mardi 31 mars 2009

Expo: "Controverses, photographies à histoires".

Le projet est inédit. Issue du livre de Christian Picker et Daniel Girardin, l'exposition " Controverses, photographies à histoires " réunit 80 images qui ont fait débat et procès. Un véritable laboratoire de réflexion sur les enjeux de cet art visuel, largement nourri par la polémique.

L'exposition s'ouvre sur des clichés apparemment inoffensifs : portraits du mime Debureau (Surprise, Félix Nadar, 1855), du comte de Cavour (Mayer et Pierson, 1856) ou d'une enfant travaillant au champ (Texas cotton picker, Lewis Hine, 1912). Pas d'images " choc ", contre tout attente... En réalité, cette entrée en matière est une mise en garde : il ne faut jamais sortir l'image de son contexte. Car ces tirages, aussi anodins soient-ils, ont posé les bases du statut photographique : reconnaissance du droit d'auteur pour l'un, la photo comme oeuvre d'art pour l'autre ou comme document pour le dernier.

Très vite, des images capturent le regard. Et avec elles, une question s'impose : peut-on véritablement tout montrer ? Un cliché de fillette nue ou celui d'un crucifix dans un bain d'urine (Piss Christ, Andres Serrano, 1989). Obscénité, hérésie, pédophilie... La photographie est continuellement soumise au critère de l'acceptable versus l'inacceptable. Selon les cultures et le temps, la réceptivité peut être violente ou tranquille. C'est la fragilité de cet art qui s'annonce, a priori, comme un langage universel.

Pourtant, en 150 ans d'histoire de la photographie, ce sont toujours les mêmes questions qui ressurgissent. Comme le problème de la véracité et de la manipulation : il suffit à Staline de supprimer la tête du chef du NKVD d'une photo (anonyme, Molotov et Iejov, 1938) pour faire de l'image un instrument au service du pouvoir.

Lewis Carroll, Robert Capa, David Lachapelle, ces grands noms de la photo s'accompagnent d'une charge polémique. Et si procès il y a, force est de constater qu'au travers de l'exposition, raison est donnée au photographe. Mais est-ce toujours juste? L'image soulève les questions, sans apporter de réponse.

Dans un monde saturé d'images, " Controverses " rappelle que la photographie est un art fragile, sans cesse confronté aux problèmes de droit et d'acceptation morale. Aujourd'hui encore, de nombreuses images d'un réalisme sanglant ne connaîtront pas les papiers glacés des magazines. Entre préservation d'une éthique sociale et appel à la vérité, le débat continue.


Controverses, photographies à histoires
Du 3 mars au 24 mai 2009
BNF, Site Richelieu


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vendredi 27 mars 2009

Livre: D'autres vies que la mienne, Emmanuel Carrère

Emmanuel Carrère est un écrivain bavard. On se souvient de son précédent roman - "Un roman russe", P.O.L., 2007 - comme d'une longue pérégrination au coeur de ses angoisses les plus intimes. L'auteur parle de lui. Beaucoup. Trop, selon certains.
"D'autres vies que la mienne" vient déjouer les médisances. Le titre s'annonce comme un projet d'écriture. Avec pour origine deux évènements terrifiants dont Carrère a été témoin : la mort d'une enfant sacrifiée pour ses parents et celle d'une jeune femme pour ses enfants et son mari.

En voyage au Sri Lanka, il assiste au tsunami qui a emporté des milliers de personnes. Notamment la petite Juliette, âgée de cinq ans. Quelques mois plus tard, il se rend au chevet d'une autre Juliette, sa belle soeur, victime d'un cancer à 33 ans.

De ce hasard naît une irrépressible envie : explorer ces deux destins qu'il ne connaît pas et les faire se croiser à travers une écriture simple, juste, proche du recueil de témoignages. Il rencontre donc Etienne, ami de Juliette et, comme elle, juge à la Cour de Vienne. Puis Patrice, son mari. Lentement des existences se dévoilent. Au coeur de toutes, celle de cette femme, mère, amie et juge. Ce livre devient son tombeau, une mémoire destinée à ses filles pour lesquelles elle n'a cessé de lutter.

Carrère ne ménage pas son lecteur. La maladie est là, oppressante, aliénante, et la mort, lente et douloureuse. L'amour, aussi, qui inonde le récit d'une remarquable tendresse. Mais pas de pathos: dans ce récit d'existences autres que la sienne c'est la vie dans toute son ampleur, belle et cruelle, que Carrère expose.


D'autres vies que la miennes, d'Emmanuel Carrère, éd POL, mars 2009


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