samedi 31 octobre 2009

Livre: Kata Sutra, la vérité crue sur la vie sexuelle des filles - Nadia Daam, Emma Defaud, Titiou lecoq, Johana Sabroux, Elizabeth Philippe

Voilà un petit ovni dans la rentrée des essais, qui présente l'intérêt de dire une part de la réalité -sans se prendre au sérieux.

Au risque de décevoir les esprits lubriques, Kata Sutra n'est pas un énième scénario catastrophe du Kama Sutra. Parce que la vie sexuelle des filles ne s'apprend pas dans un livre de positions, ici le mot d'ordre est simple : dire la vérité toute la vérité. L'essentiel étant de parler d'un nous, les femmes, et d'une réalité, la sexualité.

Les fantasmes, les fellations mais aussi les plans foireux, les envies pipi et l'amour en chaussettes, tout y passe sans complexe. Du Bridget Jones ? Pas vraiment. Les co-auteures préfèrent rappeler que les fiascos existent et qu'on les aime tels qu'ils sont. A bas les petites gênes et autres culpabilités, le message se dessine sur fond de légèreté contre la dictature de l'orgasme et des étreintes parfaites. Avec elles, la sexualité n'est plus un défi. Si l'on accepte de rire des mauvais coups.

Après l'anticonformisme de "Mauvaises mères" (éd. Jacob Duvernet, 2008) Johana Sabroux, Nadia Daam et Emma Defaud s'attaquent à la stigmatisation d'une sexualité épanouie. Ajoutées de deux consoeurs, elles troquent leur langue de bois et se racontent avec humour, dans un style enlevé et intimiste. Dernier acte de séduction proprement féminin.

Publié sur CritikArt.Net

mercredi 21 octobre 2009

Edition spéciale Prix des correspondants de guerre, Bayeux

Interview d'Alain Mingam

Alain Mingam : la vérité au-delà de la manipulation

Vidéo à voir sur: http://bayeux.photojournalisme.fr/?p=125

Alain Mingam revient sur ce qu’il appelle les qualités et les défauts du photojournalisme. Les dangers de la manipulation nuisent à l’image de marque du photojournalisme, dont l’essence même est de dire la vérité. Si l’exposition Guerre ici de Patrick Chauvel est basée sur des images retouchées, cette retouche est préalablement déclarée, et n’a pour but que de souligner la réalité des images d’origine.

Une presse qui se clone elle-même

Vidéo à voir sur: http://bayeux.photojournalisme.fr/?p=130

Face à cette presse en retrait, qui ne s’investit plus au côté de la production des sujets, Alain Mingam voit se dessiner un espoir dans les recherches de la « presse citoyenne » et le succès des festivals, qui prennent le relais pour répondre aux attentes du public. Il pense qu’il faudra trouver une nouvelle presse, qui saura soutenir les photojournalistes, qui « continuent à produire envers et contre tout ». A l’heure où des agences comme Gamma sont en grande difficulté, le problème pour lui ne vient pas de la production, mais de l’exploitation des images que fait la presse d’aujourd’hui.

La force de la photographie et l’importance du contenu

Vidéo à voir sur: http://bayeux.photojournalisme.fr/?p=134

Alain Mingam reste optimiste quant à l’avenir du photojournalisme. Sa tradition, alliant force de l’image et qualité de contenu, est son principal atout. Si l’on assiste aujourd’hui à un « tsunami d’images » et à un changement de nature et de support de diffusion de celles-ci, cela ne fait qu’encourager le besoin de qualité. Or, apporter la qualité, n’est-ce pas le travail du photographe professionnel justement.

Nouveau type de photo pour « nouveaux tuyaux »

Vidéo à voir sur: http://bayeux.photojournalisme.fr/?p=138

Pour Alain Mingam, le succès des « nouveaux médias », tout comme celui des festivals, favorisent aujourd’hui l’émergence d’un nouveau type de photographie, plus axé vers une rencontre directe avec le public.

Vidéo et montage: Valerio Vincenzo

Publié sur l'Edition spéciale Prix Bayeux de Photojournalisme.fr

Edition spéciale Prix des correspondants de guerre, Bayeux

Interview de Déo Namujimbo

L’exil ou la mort, les difficultés d’un journaliste local

Vidéo à voir sur: http://bayeux.photojournalisme.fr/?p=121

Déo Namujimbo est journaliste indépendant en République Démocratique du Congo et correspondant de Reporters Sans Frontières sur place. Obligé de fuir son pays, il vient d’obtenir le statut de réfugié en France. Il nous confie que ses écrits « ne plaisaient pas aux autorités et aux militaires » de son pays, et qu’après avoir échappé plusieurs fois à la mort, il a préféré ne plus faire courir de risques à sa famille. Son frère, journaliste lui aussi, a été assassiné l’an dernier…
Lui qui ne peut plus travailler dans son propre pays, trouve important que des journalistes occidentaux viennent couvrir ce qui se passe chez lui. Il pense cependant que ce mode de couverture doit respecter certaines conditions, gages de qualité.

Vidéo et montage: Valerio Vincenzo

Publié sur l'Edition spéciale du Prix Bayeux de Photojournalisme.fr

lundi 12 octobre 2009

Edition spéciale Prix des correspondants de guerre, Bayeux

L'indicible et l'inaudible quand on a vu la mort

interview vidéo de Jean-Paul Mari: http://bayeux.photojournalisme.fr/?p=23

Hier soir, sous le grand chapiteau de la place Gauquelin-Despallières, l’ambiance était presque monastique. Jean-Paul Mari nous présentait un sujet aussi tabou que douloureux : quels traumatismes la guerre peut-elle causer chez ceux qui la couvrent ?

A leur retour, on dit « qu’ils ne sont plus les mêmes ». Le regard vide, hantés par des cauchemars et des flash-back, ils sont absents. Morts. A l’intérieur, en tout cas. Le corps est là, « sans blessures apparentes ». Mais l’esprit ? Ces hommes et femmes reviennent du coeur de la terreur. Ils emportent avec eux une image, une odeur, un souvenir obsédant et ….. traumatisant : « L’image peut pénétrer dansle cerveau des hommes et le transpercer. En grec, trauma signifie « percer » » explique Jean-Paul Mari.
Le reporter a longuement étudié le sujet. Il a recueilli des témoignages, écouté les explications des psychiatres et des médecins. Pour un terrible constat : cet état est largement répandu et peut arriver à tout le monde. Il refuse de parler de maladie, de prédispositions psychologiques ou de folie. Il s’agit d’une blessure qu’il faut à tout prix panser.Pourtant, le traumatisme est indicible et inaudible. Tabou, même dans la profession. Résultat : l’individu s’enferme dans sa propre névrose et s’abandonne au sentiment d’exclusion.
Jean-Paul Mari est grand reporter au Nouvel Observateur depuis 25 ans. Il a couvert de nombreux conflits, vu des hommes et des femmes brisés par cette confrontation avec la mort. Soldats, mais aussi humanitaires et journalistes. Il a présentera son ouvrage « Sans blessures apparentes » (Ed. Robert Laffont) sur le Salon du livre du Prix-Bayeux-Calvados, et travaille actuellement sur un documentaire sur ce thème pour France 2.
vidéo et montage: Valerio Vincenzo
Publié sur l'Edition spéciale de photojournalisme.fr

Edition spéciale Prix des correspondants de guerre, Bayeux

Interview de Patrick Chauvel

Patrick Chauvel et l'économie de guerre
Face à notre caméra, Patrick Chauvel nous livre sa vision du photojournalisme aujourd’hui. Comment le métier de correspondant de guerre a-t-il évolué ? Comment les médias français rendent-ils compte des conflits ? Le reporter parle de la guerre tant sur les lignes de front qu’au niveau géopolitique.
Pour voir l'interview vidéo: http://bayeux.photojournalisme.fr/?p=11

Patrick Chauvel: travailler ensemble et rappeler la réalité
En tant que Président du jury, Patrick Chauvel est porteur d’un message. A Bayeux il nous livre également son expo Guerre ici, en germe depuis plus de dix ans.
Pour voir l'interview vidéo: http://bayeux.photojournalisme.fr/?p=15

Patrick Chauvel: ne pas confondre showbiz et journalisme
Les conseils de Patrick Chauvel à un jeune reporter prêt à couvrir une zone de conflits. Un engagement au-delà du « Moi Je »…
Pour voir l'interview vidéo: http://bayeux.photojournalisme.fr/?p=19

vidéo et montage: Valerio Vincenzo

Publié sur l'Edition spéciale de photojournalisme.fr

Edition spéciale Prix des correspondants de guerre, Bayeux

Prix Bayeux-Calvados, l’implication du public

Samedi, le jury public se réunissait au côté du jury officiel, pour désigner le lauréat du Prix du Public dans la catégorie Photo. Le reportage Trouble au Congo, de Jérôme Delay (AP), était récompensé lors de la soirée de clôture…
Dix heures. Café chaud et viennoiseries accueillent les membres du jury. Entre gourmandise et papotages, chacun se prépare à visionner les 10 reportages en compétition. Pendant que les professionnels multiplient les poignées de mains, le public se concentre sur le dossier de présentation qui leur est distribué.
« Le public aussi a son mot à dire »
Pour une grande partie du public, participer au jury du Prix qui leur est consacré est une continuité logique. D’abord fidèles spectateurs des Soirées, ils envisagent le passage au vote comme un engagement. Certains participent pour la première fois. D’autres ne comptent plus les années. Tous se félicitent d’une chose : ils peuvent prouver leur intérêt pour les reportages de guerre et s’impliquer dans une nomination. Parce que « le public aussi a son mot à dire », beaucoup sont venus s’inscrire dès l’ouverture des listes annoncée dans le journal local. « Bayeux organise un Prix du public et on en est ravi. Nous sommes les lecteurs, ceux à qui ces images sont destinées. C’est important qu’on donne notre avis ».

Une sélection basée sur l’émotion
Dans la salle de conférence de la Halle aux grains, la concentration bat son plein. Les reportages se succèdent, entrecoupés de quelques minutes de prise de notes. On échange, on feuillette. Mais déjà le noir retombe sur les sièges : « On n’a malheureusement pas assez de temps pour réfléchir à chaque sujet. On les découvre au dernier moment et on peut à peine lire les explications sur la situation. Du coup, c’est l’émotion qui prime ». Là est la force d’un public non spécialiste. Il fonctionne au coup de coeur et contraste avec les arguments du jury professionnel. Les pros jugent la qualité globale du sujet, la construction des images et le récit qui en est fait. Le quidam apprécie la prise de risque, ce que le sujet lui apprend et l’esthétique d’une image qui permet d’explorer la sensibilité du photographe. Miser sur le ressenti est un atout. Qui révèle un autre type de problème : « on réalise qu’on n’a pas d’éducation à l’image. Parfois, je ne vois pas que les images sont organisées et racontent une histoire. Le jury professionnel nous enseigne ce genre de chose. C’est bien. »

Au-delà de l’hémoglobine
Réunir les deux jurys est constructif car comme toujours, on a tout à apprendre des remarques d’autrui. Les échanges sont certes un peu timides mais révèlent l’intérêt manifeste du public pour les conditions intrinsèques à la guerre. « On n’a ni envie ni besoin de voir une quantité d’hémoglobine. On est davantage intéressés par la vie des populations ou les sujets sur les enfants par exemple. Ils constituent l’avenir de ces pays. » La guerre ne se montre pas seulement par la violence qui peut même être perçue comme une agression : « trop de violence dévie le sens du propos. Le but d’un reportage est de montrer la réalité des choses sans qu’on ait à détourner le regard. » Mieux, un public averti préfère intellectualiser certaines scènes : « à travers la photo d’un immeuble détruit, on imagine les morts et les victimes. C’est aussi ça, regarder une image ». Et en redemande, l’année prochaine.
photos: Valerio Vincenzo
Publié sur l'Edition spéciale de photojournalisme.fr

Edition spéciale Prix des correspondants de guerre, Bayeux

Patrick Chauvel à coeur ouvert

L’homme n’est ni grand ni fort, pourtant il impressionne. Son regard dur concentre toute l’horreur du monde : Patrick Chauvel a des choses à raconter, même si généralement, il préfère se taire. Et agir. On attendait un visage crispé et imperturbable, celui des interviews et des éprouvantes questions-réponses. Non, ce matin-là, Patrick s’adresse à des jeunes et ça change tout. Pas d’objectif braqué sur lui, le photographe se décontracte. Et raconte sa vie de reporter, à coeur ouvert.

Chauvel est un livre aux mille histoires. La peur, la misère, l’adrénaline, la mort, les mots s’accompagnent toujours d’un souvenir en Tchétchénie, en Afghanistan ou ailleurs. Et pour être plus percutant, il n’hésite pas à y mêler une pointe d’humour : « Quand on part pour une zone de conflit, et qu’il n’y a personne dans l’avion c’est bon signe : ça veut dire que c’est vraiment la merde ! ». Humour noir bien sûr, les lycéens ne s’y trompent pas. Comme dans les vieux contes de l’oncle Tom, le récit n’est jamais gratuit.

D’ailleurs, au fil des minutes, Chauvel ne mâche plus ses mots. Les anecdotes entrainent des critiques contre l’ONU, observatrice et inutile, ou encore la guerre en Afghanistan : « les soldats se battent pour de mauvaises causes. Personne ne va gagner. Ces gens sont chez eux et ils se fichent de la démocratie. Ils ne savent même pas ce que c’est ni comment ça s’écrit. Même New-York et les tours ils ne connaissent pas ! Ce n’est pas leur faute tout ça ! »Des guerres qui ne tiennent pas la route, là est le constat d’un homme qui parle pour le peuple. Et pour une profession, au pouvoir immense et effrayant : « D’après vous, qu’est ce que craignent les Etats-Unis et les israéliens quand ils bloquent les frontières ? Ils craignent la petite fille qui court sous les bombes au Napalm ! »
Clairement, le rapport entre photojournalisme et gouvernement soulève la polémique. Sans tarder, un lycéen s’interroge : « avez-vous déjà travaillé avec les services secrets ? » Patrick est affirmatif : « Sur place jamais, ce serait se tirer une balle dans le pied. J’ai déjà été contacté par les services israéliens mais j’ai refusé. Sinon, c’est un engrenage. Et puis si on bidonne, on met en danger toute la profession. Le métier doit garder sa crédibilité : on n’est pas là pour changer la donne mais pour raconter ce qu’il se passe. » Avant de nuancer : « En revanche, j’avoue avoir déjà travaillé avec les services secrets pour des sujets précis, comme une libération. Mais jamais pour un acte militaire. »

Refus de la compromission, prise de risque et peur au ventre, le métier de correspondants de guerre a de quoi marquer un homme. Traumatisé ? Chauvel contourne la question : « Et pourquoi croyez-vous que j’ai acheté ces bottes ? » Il porte ses santiags comme une carapace. « Bien sûr il faut une période de transition. Mais si on croit à ce qu’on fait, il n’y a pas de place pour le traumatisme. L’essentiel est qu’il faut que le travail soit reconnu ». Du Chauvel tout craché, blindé et convainquant. Même si son « Moi ça va ! », peut-être un peu trop sûr, porte les stigmates d’une vie de rapporteur de guerre.
Photo: Valerio Vincenzo
Publié sur l'Edition spéciale de photojournalisme.fr

Edition spéciale Prix des correspondants de guerre, Bayeux

Patrick Baz rencontre les Classes Prix Bayeux-Calvados

Patrick Baz est né au Liban, un pays où les enfants collectionnent les douilles de balles. Il se souvient et s’en amuse aujourd’hui : « j’ai choisi la caméra plutôt que la kalashnikov ». Une phrase forte qui en dit long sur la place du photojournalisme dans les pays arabes. Ainsi s’ouvre le débat.
Mieux que quiconque, il parle d’un pays. Et d’un métier : « les jeunes arabes ne sont pas confrontés à ce que vous voyez tous les jours. Il n’y a pas de culture de l’image comme celle que vous pouvez avoir. Le graphisme et les écritures sont leurs seules références. Pour eux, le photojournalisme est un balbutiement.»« En 1989, il n’y avait aucun photojournaliste palestinien.» Le reporter s’est alors donné pour tâche de former quelques hommes au métier. Mais aujourd’hui, il constate le décalage entre les photojournalismes : « les reporters arabes ne se départissent pas d’un certain militantisme. Ils sont spécialisés dans les conflits et ne savent pas raconter une autre histoire que la guerre. Leurs images sont très violentes et ils ne comprennent pas que pour toucher l’Occident, il faut montrer autre chose. »

La force de l’éthique
Précisément, les élèves sont très sensibles à la violence des images de guerre. A la vue du diaporama de Patrick Baz, les visages se crispent et réagissent. Autocensure, respect d’autrui, les jeunes occidentaux brandissent des questions d’éthique. Patrick Baz explique : « Avec l’expérience, vous vous interdisez certains cadrages. Il n’y a pas d’autocensure dans le sens où je montre toujours les choses, mais différemment. Par ailleurs avec l’âge, vous n’avez plus rien à prouver à vous-même. Moi ça me gêne de travailler avec des personnes qui n’ont pas le respect des sujets. Notamment pour les enterrements. Quand on est dix photographes sur l’évènement, on veut toujours prendre une meilleure photo que celle du voisin. Moi, j’ai le sentiment de violer l’intimité de la famille. Dans ces circonstances, une seule photo suffit. »

Photographier la peur au ventre
Le métier de correspondant de guerre impressionne les jeunes adultes. Il faut être courageux, fonceur et téméraire. Prendre des risques en affrontant son pire ennemi, la peur. Comment fait-on ? Entre amour et haine, Patrick en a fait son fidèle compagnon. La peur le ronge avant de partir, le charge d’adrénaline une fois sur place et devient traumatique quand tout est fini. « On ne peut pas ne pas avoir peur. Je suis très effrayé par la foule. Un jour, je me suis fait lyncher. La foule est incontrôlable. » Photographier la peur au ventre, parce que la mort attend à chaque coin de rue. Sur ce point, Patrick reste mesuré : « Moi j’aime la vie et je pense qu’il y a des limites à ce qu’on peut faire. Aucune photo ne vaut une vie. » Pourtant, le reporter n’a jamais voulu arrêter : « c’est l’un des rares métiers au monde que l’on ne peut pas faire si on ne l’aime pas. Rien ne vous oblige à partir là-bas. »

Un métier égoïste
Rien n’oblige un correspondant de guerre à partir mais rien ne le retient. Patrick Baz l’avoue, c’est un métier égoïste. Alors que les jeunes s’inquiète d’une vie de famille, le reporter insiste : « Vous ne pensez qu’à vous, qu’à faire des photos. » Une passion donc, qui se vit envers et contre tout. Surtout pour elle-même. Y a-t-il une logique économique derrière une telle prise de risque ? s’interroge le public. Patrick se fait déconcertant : « au début des années 80, j’étais payé 300 dollars par jour pour une commande. Aujourd’hui c’est différent, la presse ne paye plus. Je suis salarié chez AFP et touche donc la même chose, que je fasse des photos de mode ou sur une zone de conflit. Quoi qu’il en soit, si tu veux gagner de l’argent en faisant de la photo, alors ne fait pas photojournaliste.» No comment.

Photos: Valerio Vincenzo

Publié sur l'Edition spéciale de photojournalisme.fr

Edition spéciale Prix des correspondants de guerre, Bayeux

Information et éveil des consciences

La guerre est partout. Que ce soit à la télévision, à la radio ou dans les journaux. Tous les jours, ces élèves entendent parler de l’Irak, de l’Afghanistan ou de la Palestine. La guerre est présente au quotidien et pourtant tellement loin. Les jeunes n’y pensent pas. Il y a mieux à faire…
Or cette semaine à Bayeux, il n’y avait pas mieux faire ! Réfléchir à la guerre, celle des autres qui pourrait être un jour la leur. « On se dit toujours que c’est improbable, que la guerre est loin. Pourtant on est tous concerné. En voyant la guerre, je m’interroge sur notre paix. » De toute évidence, le projet Guerre ici de Patrick Chauvel a fait son chemin. Lors de la découverte de l’exposition, beaucoup ont pris conscience de la fragilité des choses. Jusqu’à cette petite voix dont la discrétion cache toute la profondeur d’une indignation : « On est tous là à étudier cette photo comme si on regardait un livre ouvert. Mais à quoi ça sert ? Et après ? Dans une heure on y pensera plus. Parce qu’on aspire tous à une vie tranquille. Ce n’est pas normal qu’on se dise choqué alors qu’après on va voir un film d’horreur comme Saw ! »
Tout est là. Ces jeunes sont englués dans leur petit confort et on les comprend, c’est agréable. Mais est-ce une raison pour rester les yeux fermés ? « On se sent ridicules après avoir vu tout ça. On ne voit pas ces images en temps normal. On ne savait pas. » Voilà une phrase à faire hurler Patrick Chauvel. Mais les élèves portent leur accusation : « Le problème est que le JT – leur unique référence – montre pleins d’images sans réelles explications. On a des chiffres, des nombres de morts mais ça ne nous touche même plus ! ». Une information tronquée, en trop grande quantité tant est si bien qu’on perd le sens du propos, l’insouciance de ces jeunes a le mérite de soulever les bonnes questions. Et une remarque, toute aussi pertinente : « J’ai l’impression que plus il y a de photos, plus on s’enferme sur nous-mêmes. »

Mais si les élèves s’accordent sur la banalisation des images, ils ne sont pas tous prêts à accepter la violence de certaines d’entre-elles. « Je pense qu’il ne faut pas montrer les images de guerre qui sont trop violentes. Il faut être préparé à ça, sinon ça peut même être dangereux. »
Dangereux ou pas, l’intérêt se déplace lentement. L’information trouve sa place dans les consciences. De même qu’un métier : « Avant pour moi, un journaliste faisait de l’actualité sur le vif. Maintenant, quand je vois qu’on peut leur bloquer des frontières, je comprends l’importance de ce métier. Les journalistes ne rapportent pas un évènement, ils apportent une Histoire, une mémoire. » Un bel honneur donc, bercé par une admiration toute réaliste : « Nous on a l’image facile et on ne se rend pas forcément compte que derrière, il y a des hommes qui risquent leur vie. Ils sont très courageux les reporters mais je ne pourrais pas faire ça ! »
photo: Valerio Vincenzo
Publié sur l'Edition spéciale de photojournalisme.fr

Edition spéciale Prix des correspondants de guerre, Bayeux.

Le Prix Bayeux-Calvados, version pédagogique

Depuis presque dix ans, les lycées Sainte-Marie et Henri Cornat de Caen et Saint Jean Eudes de Vire participent au Prix Bayeux des correspondants de guerre. Cette année, un lycée de Genève les a rejoint. Un autre de Beyrouth, invité, n’a malheureusement pas pu venir.Le principe : les élèves de Première et de Terminale choisissent parmi dix reportages celui à qui ils remettront le Prix des Lycéens lors de la soirée de clôture. En parallèle, les « Classes Prix Bayeux-Calvados » profitent de rencontres avec des reporters de guerre. Le tout sous la gouverne de professeurs formés au CLEMI – Centre de Liaison de l’Enseignement et des Médias d’Information – et fervents défenseurs d’une éducation par l’image.

Savoir être bon juge
Sensibiliser les élèves à l’actualité internationale, leur faire prendre conscience du travail d’un correspondant de guerre et leur apprendre à décrypter un film. Une tâche ambitieuse mais capitale pour ces jeunes adultes qui ne mesurent pas l’importance du sujet.Le travail commence dès le 28 septembre. Pendant une grosse semaine, les élèves suivent une formation au cours de laquelle ils apprennent à analyser une image filmique. Accompagnés de leurs professeurs et de la documentaliste du CDI, ils visionnent et décrivent les reportages présentés à Bayeux l’an dernier. « L’idée est de les familiariser avec le reportage et de les mettre en situation » explique un professeur. Par la suite, les élèves constituent des groupes et travaillent sur les situations historique et militaire des pays concernés.

A vos marques, prêts, votez !
Ils ont alors toutes les clés en main pour dresser un tableau d’évaluation basé sur des critères simples tels que la force des images, l’émotion ou le message du reporter. Ce lundi 5 octobre, les élèves se sont réunis pour voter, dans le plus grand enthousiasme. Le lendemain, ils ont pu partager leur ressenti autour d’un petit-déjeuner. Un moment de répit avant de se lancer dans une nouvelle mission : faire un article ou un dessin témoignant de leur participation. Et si la guerre reste un sujet douloureux, quelques poètes ont su chatouiller leur muse. Leurs productions sont réunies dans un magazine intitulé « Citoyens du monde », distribué lors de la soirée de clôture.
Discuter avec les grands reporters
Depuis deux ans, le Prix Bayeux organise des rencontres entre les reporters et les scolaires. Honneur aux anciens : cette année, les lycées de Caen et de Vire ont eu le privilège de vivre la guerre au plus près, à travers des anecdotes, des témoignages, des regards. Au programme : Patrick Baz, Patrick Chauvel et d’autres. Autant d’expériences et de réponses différentes. Les élèves abreuvent leur curiosité. Parce que si les images laissent voir l’horreur, leurs auteurs savent la faire entendre.

Et ne pas trop vite oublier …
Bayeux est une mise en route, une sorte de déclic indispensable qui s’étend sur l’année entière. Les professeurs poursuivent leur travail pédagogique en mettant en place un dossier d’activités sous forme de synthèses, de photos prises lors du Prix et de commentaires. Le but est de susciter les réactions et de développer l’esprit critique de ces jeunes trop habitués à recevoir l’information de manière passive.
Pour la professeure d’Histoire des classes de Terminale du Lycée Saint Jean Eude, le Prix Bayeux est une aubaine : « le travail est très utile pour l’épreuve mineure du bac, une étude de documents. Je les incite à réexploiter ce qu’ils ont appris en sélectionnant un reportage quand ils sont face à une seule image. » Et il donne des idées : « quand j’ai vu la photo de la place Vendôme dans l’exposition de P. Chauvel, je me suis dit que j’allais l’utiliser pour un cours sur la IIIe République et la Commune de Paris. »De son côté, la professeure d’Anglais entend explorer les images et les textes sur la guerre du Vietnam afin de travailler la notion d’engagement. Comment peut-on s’élever pour ou contre une cause ? Aux élèves de répondre, en images peut être…
photos: Valerio Vincenzo
Publié sur l'Edition spéciale de Photojournalisme.fr

dimanche 11 octobre 2009

Biographie: Florent Pagny

Rebelle par l’esprit, enfant de chœur par la voix, à cinq ans déjà Florent Pagny chantait à tue-tête les tubes de Luis Mariano ... Debout, sur la table ! Après une enfance agitée, le garçon quitte sa petite école de Châlon sur Saône pour tenter sa chance dans la capitale. Il a à peine 15 ans et la vie parisienne s’annonce difficile. Heureusement, un atout renversant lui ouvre les portes du Conservatoire de Levallois-Perret : une voix qui s’étend sur six octaves. Pendant trois ans, Florent jonglera entre les cours de chant classique et les petits boulots.

Un soir, il rencontre Gérard Louvin, le futur producteur de Sacrée Soirée et Les Années tubes. Les deux hommes passent un pacte : dans quelques années, Louvin produira l’album de Pagny. Mais le jeune homme est vite rattrapé par sa destinée. Alors barman dans une boîte de nuit parisienne branchée, il est repéré par Dominique Besnehar, directeur de casting qui cherche un personnage pour Diva, le prochain film de Jean-Jacques Beineix. Florent se voit déjà dans ce rôle sur mesure, celui d’un petit facteur fou d’opéra. C’est non. Mais le casting le révèle à Marceline Lenoir qui deviendra son agent exclusif. Sept ans plus tard, il rafle trois prix d’interprétation pour La Nuit du coucou de Michel Favard (1987).
La gloire donc. Oui mais voilà : Florent veut être chanteur. Il gagne la confiance de banquiers qui lui accordent un soutien financier suffisant pour lui permettre de composer son premier morceau, N’importe quoi, évidemment produit par Gérard Louvin.

Gérard a tenu parole. Florent, lui, ne va pas tenir sa langue. Son deuxième titre, Laissez-nous respirer (1988), s’adresse aux « faux » grands de ce monde et irrite la critique. Plus tard, dans Presse qui roule, extrait de son premier album Merci (1990), il dénonce les journalistes qui traquent à sa vie privée - avec Vanessa Paradis, rencontrée deux ans plus tôt. Une guerre est déclarée, dont Florent ne sortira pas indemne : les médias le boycottent pendant quatre ans. Des années difficiles, encore compliquées par une rupture et des soucis fiscaux. L’homme s’isole dans la cave de sa maison de banlieue. Il en sort avec un deuxième album au nom prometteur, Réaliste (1993).

Le chanteur a gagné en maturité et compte bien se refaire une santé. Son remède : la collaboration. Il va chercher la crème des crèmes, Jean-Jacques Goldman, qui compose pour lui trois titres phares : Si tu veux m’essayer, Loin et Est-ce que tu me suis ?. En 1994, l’album Rester vrai apporte un nouvel élan. Il s’accompagne d’une rencontre avec Azucera, argentine et artiste peintre, la future mère de ses deux enfants Inca et Ael. Florent oublie amertume et rancœurs, troque sa langue percutante pour des textes chaleureux. Pour preuve, les titres des nouveaux albums : Bienvenue chez moi (1995) et Savoir aimer (1997), écrit par Pascal Obispo. Désormais, Florent veut se faire l’interprète des autres compositeurs – RéCréation en 1999, Châtelet les Halles en 2000 – et va se livrer à une série de duos flamboyants avec Obispo (encore et toujours), Axel Bauer, Eddy Mitchell, Lara Fabian ou Calogero, réunis dans l’album 2 en 2001. Sa notoriété retrouvée, l'artiste ose un nouveau texte anticonformiste, Ma liberté de penser (Ailleurs land, 2003). Il y chante ses difficultés avec l'administration fiscale, qui l’a fait condamner à six mois de prison avec sursis et 15000 euros d’amende pour fraude.
Courage, fuyons… Il trouve sa liberté en Patagonie, région d’origine de sa femme. Depuis 2003, Florent cherche à élargir son univers musical. Alors que Baryton (2004) réunit les plus grands airs d’opéra, Abracadabra (2006) profite des prestigieuses collaborations de Gérard Manset et Christophe Miossec. Enfin il reprend les airs de Brel (Pagny chante Brel, 2007) avant de sortir son dernier album C’est comme ça, en mai 2009. Le chanteur y retrouve sa verve autobiographique et nous livre son bonheur argentin. Happy ending ?




Publié sur Allomusic

lundi 5 octobre 2009