lundi 22 décembre 2008

Et aussi: l'abécédaire de Psycho

A première vue, Psychologies magazine, c'est un gros titre rouge et une photo de "star" qui se prête à l'épreuve du "divan". C'est aussi des articles à gogo sur soi, l'autre, l'amour, la vie en somme... Alors, la rédaction web a décidé de développer son esprit critique (et de s'amuser un peu!) en créant les abécédaires. Les victimes: nos chères célébrités qui arborent leur minois - ou leur chute de reins! - en couverture!! On jubile déjà...

Ma première cible: Ludivine Sagnier. Extraits

A comme... à poils!
Dans ses cinq derniers films, Ludivine Sagnier s’est montrée pour le moins… dénudée. Une plastique de rêve qui ne manque pas d’inspirer les réalisateurs et de faire parler le public. Pourtant, l’actrice se dit elle-même plutôt pudique et affirme cacher sa nudité derrière le masque de son personnage. Maligne Ludivine… tout le monde sait qu’un beau corps est un véritable atout dans la jungle du cinéma !

B comme... blonde
Un minois irrésistible, des cheveux blonds comme les blés, Ludivine Sagnier a tout d’un petit ange. De la douceur enfantine à la femme charmeuse, sa blondeur est synonyme de séduction. Elle n’hésite pas à passer du châtain dans Une Aventure et La Californie, au blond platine dans La fille coupée en deux, en passant par le blond ébouriffé dans La petite Lili.
Blonde, Ludivine se revendique comme telle, et ça lui va plutôt bien !
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H comme... Harcourt studio
Ce n’est pas l’étoile sur Hollywood boulevard mais presque ! En 2002, alors qu’elle vient de tourner 8 femmes de François Ozon, la jeune actrice d’à peine 23 ans impose sa frimousse aux côtés de celle des plus grandes stars. Un lieu mythique, une ambiance intemporelle, de superbes clichés en noir et blanc… et une moue boudeuse ! Ludivine, que diable, un sourire ! A croire qu’on s’ennuie au Harcourt Studio !
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J comme... Julie
« Julie… c’est le pouce ! » non pas parce qu’elle est super (quoi qu’on ose le penser !) mais parce que Ludivine compte ses amis sur les doigts d’une main. Alors, celle qui tient la première place, c’est Julie Depardieu. Quel honneur ! Depuis leurs retrouvailles sur le tournage de Cyrano de Bergerac, les deux blondinettes sont devenues inséparables. Mais quid de l’index, du majeur et Cie… ?
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M comme... maman
C’est le scoop de la rentrée, Ludivine Sagnier attend un deuxième enfant cet hiver. Mais le vrai scoop, l’info qui a excité les curiosités des uns et des autres, c’est évidemment : l’identité du papa ! Le mystère est levé : il s’appelle Kim Chapiron et il est… réalisateur ! Une fois encore, Ludivine a usé des services de l’agence matrimoniale du cinéma ! Que les langues médisantes se taisent... une seule explication est recevable : ne parle-t-on pas de la « grande famille du cinéma » ?
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P comme... Playboy
En janvier 2008, Ludivine Sagnier a confié ses plus beaux atouts au magazine de charme très très… convoité par la gente masculine ! Une poitrine insidieusement cachée, une position langoureuse … Est-ce la même personne qui prétend accepter de se dénuder à l’écran sous prétexte qu’elle joue un rôle ? Les mystères du papier glacé nous échapperons toujours…
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S comme... sympathique
Quand Ludivine veut témoigner de son affection, elle ne fait pas dans la dentelle. Alors que Claude Chabrol – ayant succombé au charme de la Fée Clochette – lui propose un rôle, elle s’exclame : « J’adore chiner de vieilles pièces comme Chabrol » ! Taquine jusqu’au bout, elle a donné un coup de jeune au réalisateur en lui offrant une robe de chambre Playboy ! Ils en rient encore… Ludivine a manifestement le « truc » pour se faire des amis. Et Chabrol dans Playboy, c’est pour quand ?
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W comme... Walt Disney
« Physiquement, je suis très commune, dès qu’on m’ôte le maquillage, je redeviens citrouille ». Et oui, la magie du cinéma, c’est comme un Walt Disney. On sait tous que les stars les plus sexy ne sont que de simples êtres humains boutonneux, poilus et transpirants. Mais enfin, gardons un peu la douceur d’une illusion trop vite perdue… On est sûr qu’au réveil, Ludivine est…une très jolie citrouille !
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Z comme... zeste
Un conseil beauté façon Ludivine Sagnier : des pâtés, du gras et du coulant ! Le zeste ? Connaît pas ! Cette phrase parle d’elle-même : « Chaque matin, j’applique sur ma peau sèche trois grosses couches de la Crème Réconciliante de Payot que je laisse poser cinq minutes, avant de retirer ce qui n’a pas pénétré. » Effectivement, Ludivine ferait bien de se réconcilier avec sa crème de jour !

A lire intégralement sur psychologies.com: http://psychologies.com/cfml/diaporama/ludivinesagnier.cfm

Ma seconde cible: Carole Bouquet.


mardi 16 décembre 2008

Et aussi: l'interview d'Olivier Ameisen. « Un relaxant musculaire m’a guéri de l’alcoolisme »

Avec son livre Le Dernier verre, publié en novembre dernier, Olivier Ameisen, cardiologue, a lancé un pavé dans la mare des traitements contre l’alcoolisme. En affirmant que le baclofène, un relaxant musculaire, est à l’origine de sa guérison, il offre un nouvel espoir aux malades, mais doit aussi faire face à la défiance d'une partie du corps médical. Il revient sur son parcours de vie. Psychologies.com ouvre le débat.

Olivier Ameisen affirme être complètement guéri de sa dépendance à l’alcool. Après avoir tout essayé, des médicaments aux cures de désintoxication, ce cardiologue dit avoir vu sa vie bouleversée par un médicament, le baclofène, utilisé contre les spasmes musculaires. Il témoigne de cette expérience exceptionnelle qui pourrait, selon lui, déboucher sur un traitement possible de l’alcoolisme.

Psychologies.com: Comment avez-vous sombré dans l’alcoolisme ?

Olivier Ameisen: Mon problème était l’anxiété sociale. J’étais invité à des soirées, il y avait un piano – Olivier Ameisen est pianiste virtuose, ndlr - , on me demandait de jouer, on me parlait et je me suis rendu compte que j’avais des difficultés à nouer contact. Mais quand je prenais un verre de whisky, que je détestais, les choses se passaient mieux. Pour obtenir cet effet, au début il me fallait un verre, puis deux et ainsi de suite. La tolérance est l’un des premiers facteurs de l’alcoolisme.

Vous avez pourtant suivi des traitements contre l’anxiété…

Oui, mais cela ne m’a pas du tout aidé. Les médicaments avaient un effet relativement calmant mais ne m’aidaient pas en société, alors que l’alcool avait un effet euphorisant et désinhibiteur. J’étais mal alors je prenais un médicament. Mais j’étais moins anxieux, je n’allais pas forcément me sentir bien.

Et les thérapies ?

J’ai fait huit ans de psychothérapie, bien avant de sombrer dans l’alcoolisme. Psychanalyses freudiennes, hypnose, homéopathie, travail avec des psychopharmacologues et TCC (thérapie cognitive et comportementale)… Mais elles n'ont eu strictement aucun effet. J’ai compris que j’avais une anxiété chronique qui m’empêchait de me relaxer comme les autres. J’ai alors émis l’hypothèse – qui est bien reçue d’ailleurs – que j’avais un déficit biologique, peut être en GHB (gamma-hydroxybutirique), un sédatif naturel de l’organisme.

Peu à peu votre entourage a lâché prise. Que ressentiez-vous alors ?

Ma maladie était incompréhensible pour mon entourage. Mes séjours en cure étaient un succès mais je rechutais dès la sortie. Alors mes proches se sont détachés. C’est un sentiment extrêmement douloureux que j’appelle « la double peine » : vous avez d’un côté la maladie et de l’autre, vous êtes accusé d’en être responsable. L’alcoolisme est vu comme une maladie auto-infligée ce qui est faux. L’alcoolique ne boit pas pour se détruire mais pour aller bien. Chaque alcoolique aspire à aller mieux.

Vous avez été confronté à l’incompréhension de certains médecins. Quel est votre sentiment à l’égard du corps médical ?

Je leur disais que mon problème n’était pas l’alcool mais l’anxiété qui était là des années avant la dépendance. Ils me répondaient : « Arrêtez de boire et l’anxiété s’arrêtera ». C’était un dialogue de sourds. J’étais face à leur impuissance. Lorsque les médecins sont incapables de proposer un traitement efficace, ils ont une tendance classique à blâmer le patient. Dans les maladies où ils sont démunis, il y a un rejet. C’était le cas avec le cancer.

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lundi 15 décembre 2008

Théâtre: Les Monologues du vagin, d'Eve Ensler

Depuis sept ans Les Monologues du vagin foulent les planches des théâtres parisiens. Les distributions se succèdent et les salles ne désemplissent pas. La raison d’un tel succès : une pièce subtile et drôle qui nous fait entrer dans la part la plus intime de la féminité : le vagin.

Pourtant, parler du vagin n’est pas une mince affaire. La pièce s’ouvre sur un ballet de petits noms jetés à la volée : « chatounette », « foufoune », « minette »… C’est un fait : le « vagin » est tabou. Alors, en citant le mot 123 fois dans sa pièce, Eve Ensler fait tomber les masques. Si bien qu’à la fin, ce terme ne choque plus. D’ailleurs à la sortie, les spectateurs sont changés : un sujet brûlant qui rend les femmes un peu plus fières et les hommes un peu plus sensibles. Alors, une question se pose : que sont donc ces monologues dans lesquels toutes les femmes se reconnaissent ?

Les Monologues du vagin, ce sont d’abord trois femmes qui, tour à tour, dans une poursuite de lumière, prêtent leur corps et leur voix à d’autres femmes de tous âges, nationalités et confessions religieuses. Des premières menstruations aux séances tant redoutées chez le gynéco, elles se livrent sans détour. Fantasmes, craintes et frustrations les plus intimes sont portés sur scène avec justesse, pour une célébration touchante et drôle de la sexualité féminine. Mais la féministe américaine Eve Ensler ne cherche pas seulement à faire rire. Sous la légèreté du texte se cache un sérieux saisissant. Parler du vagin, c’est d’abord appréhender l’anatomie et les plaisirs féminins. Mais c’est également aborder les questions du viol et de l’excision. Des sujets graves qui restituent à la gent féminine une part de leur féminité souillée.

Dans un délicieux mélange de sérieux et de drôlerie, la pièce invite à une approche subtile et attendrissante de la jouissance d’être femme, amante et mère. Portée au théâtre Michel jusqu’au 4 janvier 2009 avec une distribution inédite : Claire Nadeau, Emmanuelle Boidron et Micheline Dax. Trois générations de femmes qui incarnent l’universalité du propos. Trente ans après la révolution de sexuelle, elles parlent librement mais sans obscénité de cette part d’elles-mêmes qui constitue leur essence. Liberté de ton, finesse et regards complices : les comédiennes usent brillamment de leur personnalité artistique. Un clin d’œil tout particulier à Micheline Dax qui, à 84 ans, offre un jeu d’une tendresse infinie et dans la bouche de qui le mot « vagin » résonne comme une caresse. Un spectacle démystifiant pour un hymne à la femme des plus symboliques.


Théâtre Michel, avec Micheline Dax, Claire Nadeau et Emmanuelle Boidron

Cette distribution jusqu'au 9/01/09

mardi 2 décembre 2008

Film: Un conte de Noël, d'Arnaud Desplechin

Avec son dernier film "Un Conte de Noël", Arnaud Desplechin offre une histoire retorse où explose un humour baigné de cruauté.

La famille Vuillard ne semblait pas prédestinée à la simplicité. A l’origine, Junon et Abel Vuillard eurent deux enfants, Joseph et Elisabeth. Mais le jeune Joseph, atteint d’une maladie rare, nécessite une greffe de moelle osseuse. Ni les parents ni sa petite sœur ne sont compatibles. Naîtra alors Henri, conçu dans le seul espoir de sauver son frère. Malheureusement, celui-ci n’est pas compatible non plus et le décès de Joseph est pansé par la naissance d’un dernier enfant, Ivan. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais de ce traumatisme émergeront des années plus tard les pires ressentiments. Alors le conte de Noël – ou plutôt l’anti-conte – peut commencer.
Un anti-conte
D’abord avec une question : pourquoi Elisabeth a-t-elle froidement « banni » son frère Henri du cercle familial ? Ensuite avec une terrible nouvelle : Junon est victime d’une leucémie et doit trouver un donneur de moelle parmi les membres de sa famille. Ironie de la vie, Henri est compatible. Il pourrait ainsi se faire racheter aux yeux de sa mère. Mais si le greffon est rejeté, il en serait l’assassin… Est-ce grave? Assis dans le jardin par un froid glacial, ils s’annoncent l’un l’autre qu’ils ne s’aiment pas.

Terrible révélation pour quiconque. Mais le cynisme des Vuillard nous fait pénétrer dans une famille où la haine devient sarcastique, l’amour destructeur et l’humour une carapace. Ainsi dans le plus grand sérieux, Abel calcule sur un tableau les chances mathématiques de survie de sa femme. Ce genre de scène totalement décalée confère aux personnages une part de folie : sans raison apparente, Elisabeth est hantée par Henri, son frère endetté qu’elle perçoit comme le Mal susceptible de détruire sa famille. Elle l’éloigne de son fils Paul, un adolescent perturbé en proie à des hallucinations. Ivan, le benjamin de la famille, est un homme dont l’optimisme exacerbé cache un malicieux secret…

Des héros de conte fragiles et complexes, animés par l’amour et la haine. Dans une atmosphère mortifère masquée par des cris de joie trompeurs, ils se rendent à Roubaix pour une ultime réunion de famille. Mais qu’attendre d’une famille dans laquelle les parents sont nommés par leur prénom ? Ce sera fracas et règlements de compte. Jusqu’à ce que la situation s’apaise… comme par enchantement. Pourtant l’incompréhension persiste et alors que tout semble se décanter, le conte nous laisse un peu chahuté. Pas de « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Le film se termine sur une quiétude malsaine : Ivan et Junon joue la mort à pile ou face, Ivan sourit béatement lorsque sa femme découche, Elisabeth retrouve la sérénité dans le décès d’une mère qu’elle a tant aimée…

Au final, « Un conte de Noël », c’est un joyeux mélange de haines incompréhensibles et de légèreté de ton. Arnaud Desplechin offre une histoire retorse où explosent folie et dépression, le tout sous le couvert d’un humour baigné de cruauté. Un anti-conte des plus plaisants pour tous ceux qui se délectent d’un délicieux cynisme.

Un conte de Noël, d'Arnaud Desplechin - avec Catherine Deneuve, Jean-Paul Roussillon, Anne Consigny

Expo: « Picasso et les maîtres », l’éloge de la copie

Envisager Picasso dans le rapport à ses prédécesseurs est une première. Une démarche novatrice qui ne pouvait se faire qu’avec ce peintre impénétrable et sulfureux. Il est le seul artiste à avoir osé affronter les maîtres tout au long de sa vie, une audace qui méritait de prendre place au Grand Palais.

Le Greco, Rembrandt, Goya, Delacroix, Cézanne, Gauguin… Ils ont tous été conviés à la fête. L’exposition s’ouvre sur une salle inédite : pour la première fois, les autoportraits des grands maîtres sont réunis dans un même lieu. Bienvenue dans le temple de l’art. Il semble que, soudainement, l’art picassien soit beaucoup moins obscur. Picasso n’est pas seulement le peintre cubiste déjanté aux formes éclatées. Il est avant tout un investigateur de l’histoire de la peinture, un fervent admirateur de ses prédécesseurs qu’il va sans cesse copier, déconstruire et dépasser. Une vision qui risque de convertir les plus récalcitrants à l’art picassien. Pour ce faire, encore fallait-il rendre compte avec subtilité des mécanismes de l’inspiration. Réunir les toiles des grands peintres ; les faire dialoguer avec celles de Picasso lui-même ; et surtout, mettre en lumière l’acte de transposition et de détournement. Un défi de taille.

Picasso, le bon élève
« C’est incroyable ce qu’il faisait à seulement 14 ans ! ». Les œuvres de jeunesse de Picasso ne manquent pas d’impressionner les visiteurs. Parler des maîtres, c’est effectuer un retour dans l’enfance de l’artiste. A l’école des Beaux Arts de la Coruna, le jeune Picasso s’empare des oeuvres de la tradition picturale humaniste. Dans un souci de mimétisme et de perfectionnement, il copie Velasquez et Greco. Ces dessins nous rappellent une chose : Picasso est un enfant prodige. Ce n’est pourtant qu’après avoir passé cette salle aux allures de Louvre que le véritable Picasso émerge.

L’appropriation des maîtres
Le génie de Picasso apparaît non plus dans l’imitation mais dans l’appropriation des maîtres. Près de dix salles nous entraînent dans un tourbillon de reprises thématiques et stylistiques. La célèbre période bleue, cette couleur qu’il brandit comme une révolution artistique, trouve son origine dans les indigos de Manet, Cézanne et Van Gogh. Il suffit également de se prendre au jeu de la juxtaposition de tableaux pour reconnaître les influences thématiques : « L’enlèvement des Sabines » de Picasso est une reprise exacte – dans les couleurs et la disposition des personnages – de ceux de Poussin et de David. Reprise donc mais pas de plagiat : Picasso est le peintre de l’invention et de la transfiguration. Dans ce même tableau, il fait surgir des poitrines proéminentes et des sexes saillants. La toile devient un amas de corps informes, renforçant la violence de la scène. D’ailleurs, devant un tel surgissement d’horreurs, les visiteurs silencieux sont comme déstabilisés.

Les joies de la transgression
C’est alors que Picasso dépasse les cadres de la revisitation des maîtres. En radicalisant les grands thèmes de l’histoire picturale, il se fait plus expressif. A bas la bienséance, le peintre donne à voir ce qui est sous-entendu dans certains tableaux de ses prédécesseurs. Le résultat ? Une sexualité exacerbée comme dans « Les demoiselles du bord de Seine », reprise du tableau de Courbet. Les deux femmes ne semblent plus seulement se délasser. Elles entretiennent une pose explicitement érotique. Provocateur, Picasso se joue du détail pour mettre en scène des corps béants de désir et de fantasme. La dernière salle, la salle des nus, exploite au maximum les limites de la transgression. Il s’y mêle une ambiance de gêne et de frivolité. Entre l’unicité de la salle des autoportraits et l’audace artistique de cette dernière, l’exposition mérite son succès.


Encore faut-il mettre un bémol. La présentation des tableaux se contente d’un simple jeu de parallélisme : une démarche qui tourne court assez vite. « Picasso et les maîtres », c’est avant tout une course aux ressemblances sur fond de salles grisâtres et monotones. L’exposition méritait un brin d’inventivité à la hauteur de celle du peintre.Pourtant, le livre d’or ne tarit pas d’éloges. Et pour cause, en convoquant les plus grands maîtres, le Grand Palais en met plein les yeux. L’exposition reste un bel hommage à Picasso, ce peintre qui suscite l’admiration comme le rejet. Pari tenu pour un projet inédit qui a su révéler toute la splendeur de la démarche picassienne.

"Picasso et les maîtres", du 8 octobre 2008 au 2 février 2009 - Galeries nationales du Grand Palais, Paris

Ciné: J'irai dormir à Hollywood, d'Antoine de Maximy

Antoine de Maximy, un " routard " qui parcourt la planète et s'invite chez les habitants équipé de trois caméras qui le filment en continu, ça vous dit quelque chose ? Après l'émission " J'irai dormir chez vous ", voici le film. Et avec 1h40 de bobine devant lui, Antoine a décidé de traverser l'immensité : les Etats-Unis d'Amérique.

" Quand rien n'est prévu, tout est possible ! ", telle est la devise du baroudeur parachuté (au sens propre) sur le sol américain. Antoine de Maximy est un oiseau tombé du nid. Le regard rieur, les yeux hagards, il avance sans autre programme qu'un défi à relever : traverser les Etats-Unis d'Est en Ouest en allant à la rencontre des gens, pour atterrir à Los Angeles, ou plus précisément à Hollywood chez une star internationale.

Voilà pour la théorie. Cela laisse rêveur... Mais la pratique sera bien plus terre à terre. C'est un fait, les Etats-Unis, c'est grand. Pour les traverser, tous les moyens sont bons : à pied, en bus ou à vélo. Il faudra pourtant se résigner à acheter une voiture : ce sera un corbillard ! Mais dans un pays où l'extravagance fait partie intégrante de l'âme humaine, rien ne surprend.

A partir de là, Antoine a une seule idée en tête : rencontrer les gens. Il sera alors propulsé au coeur d'une société aux multiples facettes. Des personnalités presque caricaturales... Ou pas. Car les Etats-Unis d'Amérique, ce sont avant tout la diversité : un ex soldat de la guerre du Vietnam, les habitants noirs des quartiers chauds de la Nouvelle Orléans ou les indiens d'Amérique vivant isolés au milieu du désert et charriant avec eux leurs croyances et superstitions. Et bien d'autres encore. Des personnes accueillantes et chaleureuses. D'autres méfiantes et rebelles. Avec au final un seul constat : les Etats-Unis sont une immensité où chaque individu vit dans son propre microcosme. Ne pas regarder son voisin est encore la meilleure chose à faire pour se protéger.

Ce surprenant voyage révèle le vrai visage de l'Amérique. Un pays où la race et la violence ont tendance à régir les rapports sociaux. Alors entre les idéaux des uns et le désemparement des laissés pour compte, il y en a qui s'alcoolisent au point de se laisser bercer par la démence...

Un film réaliste et émouvant admirablement bien mené par le voyageur hors pair. Sa drôlerie, son audace et son ouverture d'esprit le conduisent au coeur de situations les plus rocambolesques. Antoine de Maximy aime l'autre et c'est toujours avec tendresse qu'il se laisse entrainer au gré de rencontres souvent cocaces, parfois effrayantes mais toujours intenses et riches en apprentissages. A tel point que, comme tout bon voyage, on ne voit pas la fin venir. Mais d'ailleurs : parviendra-t-il à dîner chez une star hollywoodienne ? Je ne donnerai qu'un seul indice : quand rien n'est prévu, tout est possible!

J'irai dormir à Hollywood, de Maxime de Maximy - sorti le 19/11/08

Publié sur CritikArt.net: http://www.critikart.net/cinema.md/543_j-irai-dormir-a-hollywood

Livre: Saloon, Aude Walker

Dès qu'on entre dans ce Saloon, une odeur d'alcool et de tabac froid nous prend à la gorge. Le décor ? Drogue, sexe et règlements de compte, comme dans tout western qui se respecte. Et sous la plume aisée d'Aude Walker, une histoire sombre se dessine bientôt devant nous, une de celles qui se racontent au coin d'une table, un verre de whisky à la main.

Lisa Duval est une jeune américaine exilée en France. Elle est serveuse dans un palace parisien, un travail alimentaire qu'elle considère comme un redoutable pied de nez à ses origines de la haute bourgeoisie new-yorkaise. Parce qu'avant de devenir larbin de riches, Lisa vivait dans ce monde de gloire et de dollars. Une jeunesse qu'elle a voulu effacer dans sa fuite outre-Atlantique. Le passé la rattrape un soir, quand une superbe femme blonde la hèle, pour avoir son verre. C'est sa mère. Une vague de souvenirs destructeurs submerge Lisa qui décide pourtant subitement de retourner à Black Lion, la villa familiale fastueuse et décatie. Lancée dans une quête d'elle-même, elle va devoir affronter les êtres qui ont hanté son enfance. Un douloureux exorcisme quelle mène avant tout contre sa mère, Véra.

D'un bout à l'autre, le mystère plane sur ce retour soudain à Black Lion. Pourquoi Lisa a-t-elle décidé de rouvrir des plaies à peine cicatrisées ? Elle-même ne peut pas le dire. En même temps qu'elle investit son passé, le lecteur avance aveuglément dans le récit. Les réponses surgissent progressivement, comme la réminiscence de souvenirs profondément enfouis. Il ne faut pas être pressé pour saisir le sens d'une telle entreprise, mais plutôt savoir jouir du style d'Aude Walker. Saloon est un roman à clés où chaque souvenir, qu'il soit imbibé d'alcool, de sexe ou de violence, se prend comme un morceau de vie d'une fille en mal de repères. Puis tout se précipite : par un irréversible coup de folie, l'héroïne fait face à son destin tragique et se libère, enfin, de ce monde intoxiqué.

Avec ce premier livre, Aude Walker offre un très bon roman noir. En jouant de la formule, de l'allégorie ou du raccourci, elle entretient une atmosphère quasi mystique, lointaine, impénétrable. La langue est aussi déjantée que la décadence qui règne à Black Lion, et aussi imaginative que le récit. Pas de manières ni de longues phrases obscures. C'est lapidaire, rythmé, audacieux. Un parler vif qui fait souvent sourire -parce que si l'histoire est sombre, l'auteur défie le pathos à renfort d'humour.

La vivacité de ton et la nervosité de la langue n'empêchent pas d'aborder en profondeur des thématiques essentielles : "Saloon" est d'abord un roman sur la complexité de la relation mère/fille déchirée entre l'amour et la haine, sur les secrets de famille, et sur la complicité fraternelle. A travers le portrait de cette famille Mc Govern qui a converti sa richesse en débauche, Aude Walker parvient à donner à voir la face noire de toute une Amérique huppée, mais sans plus aucune grandeur ni rayonnement. Ce premier roman révèle une forte personnalité littéraire qui traîne du côté de Bukowski et qui sait exploiter toutes les ficelles de l'intensité dramatique. Peut-être le prochain prix de Flore 2008?

Saloon, Aude Walker - éd. Denoël - paru le 25/08/08

Publié sur CritikArt.net: http://www.critikart.net/livre.md/516_saloon

Livre: Dans la tête de Shéhérazade, Stéphanie Janicot

On ne compte plus les romans qui s'appuient sur un travail psychanalytique, d'observation et de connaissance de soi. Stéphanie Janicot n'échappe pas à cette tendance et se risque au thème largement rebattu de l'enfance, socle de notre personnalité, de nos forces et de nos faiblesses d'adulte. Impression de déjà vu, donc, à la lecture de la quatrième de couverture. Même si, dès les premières pages - le titre nous avait prévenus - on est transporté dans la " tête ", les secrets et la quête identitaire d'un personnage plutôt attachant.

Shéhérazade est une célèbre journaliste présentatrice d'un talk show, qui partage son énergie entre son travail et sa relation avec son rédacteur en chef. Par un douloureux retour sur l'année de ces quinze ans, la jeune femme va révéler les épreuves difficiles qui ont construits sa vie : le sentiment d'exclusion dans un grand lycée parisien, la place de l'amitié, la perte d'un être cher, les souffrances des immigrés. Autant d'évènements qui permettront sa construction personnelle et feront toute sa force. Dans un va-et-vient constant entre le passé et le présent, Shéhérazade nous fait entrer dans son histoire pour en cerner les failles. L'essentiel du talent de l'auteur est là : dans ce remarquable jeu sur la temporalité, où deux strates temporelles s'imbriquent, elle parvient à nous tenir en haleine.

Mais "Dans la tête de Shéhérazade" a surtout pour vocation de révéler quelques uns des travers de notre société, notamment sur la question de la tolérance et de l'identité. Stéphanie Janicot, de toute évidence, tend avant tout à offrir un véritable cryptogramme de l'enfance d'une enfant arabe, projetée dans une classe sociale qui la renvoie sans cesse à ses origines.

Mais si le thème est d'actualité et si l'histoire est admirablement bien ficelée, le style manque de chair et de chaleur. Dépourvue de sentiment, la langue reste glaciale, l'approche du monde intérieur et des souvenirs trop analytique. A croire qu'il s'agit de la seule mise à distance possible avec soi-même. Cette froideur déstabilisante est évidemment justifiable par la rigueur du travail d'introspection auquel s'adonne le personnage. Mais est-ce une raison suffisante?

On peut aussi regretter que le thème du sentiment d'exclusion soit exprimé à longueur de roman et toujours de la même manière. Cette redondance confine à la lassitude et confère au récit une lecture à tout prix psychologisante, voire moralisante. C'est dommage, même si ces défauts n'empêchent pas d'être happé par la solide trame romanesque. Au final, "Dans la tête de Shéhérazade" est comme un mauvais élève dans cette rentrée littéraire: on en reconnaît la qualité intrinsèque, en dépit de ses imperfections.

Dans la tête de Shéhérazade, Stéphanie Janicot - éd Albin Michel - paru le 20/08/08