lundi 22 février 2010

Livre: Michael Jackson n'a jamais existé. Etude d'un mythe contemporain d'Amélie Dalmazzo

Michael Jackson n’a jamais existé. Voilà un scoop digne des unes de tabloïds. C'est pourtant sous la forme d'un ouvrage méthodique et analytique qu'Amélie Dalmazzo tape du point sur la table. Terminées les rumeurs douteuses ! Dans une version réduite (soyez rassurés) de sa thèse sur le charisme et les fans de Michael Jackson, cette docteur en Science de l’Information et de la Communication décrypte la vie artistique du roi de la pop. Le but : mettre à jour le processus de mythification dont le chanteur a été l’objet. Ou la victime ! Car de toute évidence, Michael Jackson ne serait rien sans ce que nous avons voulu faire de lui. L’analyse est convaincante, notamment dans la mise en lumière des logiques médiatiques instaurées autour du phénomène musical. Mais, et c’est déplorable, l’auteur bascule par instants dans une sorte de victimisation peu à propos.


Difficile pourtant de faire la part des choses. Parce qu’il est à la fois noir et blanc, adulte et enfant, réel et imaginaire, Michael Jackson est devenu le miroir de notre société et le réceptacle de ses plus hauts fantasmes. Mi-ange mi-diable, mi-King of pop mi Wacko Jacko, il fascine autant qu’il effraie. En cela réside la force de la mythification : l’artiste est l’incarnation de nos conflits internes. Engagé dans un processus d’identification, le public finira, selon une logique psychanalytique (merci Freud), par tuer symboliquement ce double imaginaire. Aussi, après avoir été encensé, le chanteur est-il devenu un monstre. Avec en creux une supposition beaucoup plus caustique : n’avons-nous pas réellement tué Michael Jackson ?

La question reste ouverte, même si Amélie Dalmazzo se garde de la mettre en mots. Car finalement, Michael Jackson n'a jamais existé est davantage le support d’une étude sur les rouages de la construction d’une légende. Il permet de comprendre les enjeux du star system avant d'explorer les travers et les mécanismes d'une société avide de médiatisation. Au lecteur donc de laisser ses états d’âme au vestiaire et de se concentrer sur ce qui fait l’intérêt, tant social que psychanalytique, d’un tel ouvrage.

Editions Jacob-Duvernet

Publié dans la rubrique Chroniques d'AlloMusic.com

mardi 16 février 2010

Musicien: Jean Corti

Ringard, désuet et tombé en décrépitude, l’accordéon en prend pour son grade au tribunal des instruments du XXIème siècle. De toute évidence, l’élément fétiche des guinguettes, musettes et autres "fêtes" ne fait plus rêver. A moins de se laisser conter une petite histoire.
Il était une fois un accordéon, propriété d’un voisin italien. « Tu le veux ? » s’amuse l’homme en le posant sur les genoux du jeune garçon qui le regarde inlassablement. Sans demander son reste, ce dernier s’enfuit. Un voleur d’accordéon ! Qu’à cela ne tienne, de retour chez lui, l’enfant commence à jouer. Comme ça, à l’oreille. Et c’est le coup de foudre.
Pendant 20 ans, Jean et son accordéon feront danser les villages à l’heure de l’apéro, les cabarets marseillais puis les dancings de la capitale. En 1960, Brel est séduit par ce musicien qui trimbale son instrument comme un morceau de vie. Ensemble et pendant six ans, ils composent Les bourgeois, Les Vieux,Titine ou encore Madeleine. Des succès nés d’une symbiose entre musicien et chanteur. Une relation musicale et amicale qui se termine quelques mois avant l’arrêt définitif de Brel, laissant Jean Corti face à son destin.
Car l’aventure Brel a fait des envieux. Successivement, l’artiste accompagne Brassens, Jo Privat, Armand Lassagne, Brabara, Michel Petrucciani, Alain Bashung ou Rita Mitsouko. Toujours caché derrière son instrument, Corti attise la curiosité des journalistes. Un jour, l’un d’entre eux l’invite à faire la première partie du concert des Têtes Raides. Séduit par l'univers de l’artiste, Christian Olivier lui propose une improvisation. Pourquoi pas. Ce groupe de rock indépendant bien rigolo est un coup de jeune pour l’accordéoniste. De leur côté, les chanteurs conquis par l’instrument décident d’en faire leur base rythmique. Et ça marche du feu de Dieu.
L’accordéon se fait dévoué, complice, sympathique. Son artisan toujours modeste. Et puis, sous la pression des Têtes Raides, Jean Corti se décide à sortir de l’ombre. En 2001, Couka, paru chez Mon slip, le joli petit label du groupe, est vendu à 20 000 exemplaires. Du jamais vu en matière d’accordéon. Dans Versatile son deuxième opus – 2007 – le musicien s’entoure des grands noms du jazz – Jean-Philippe Viret, Jean-Marie Ecay et Philippe Delestre – pour revisiter les plus beaux textes de sa génération avec au chant, les voix de Christian Olivier, Olivia Ruiz, Marc Perrone ou Félix Belleau.
Histoires d’amour avec son instrument et d’amitié avec les interprètes, Jean Corti confère à la musique une charge affective. "Fiorina", son dernier album le prouve, une œuvre hommage à tout un passé musical qui a parcouru les arts et les vies. Le passé d’un homme qui a grandi et vieilli un accordéon contre son cœur.

Publié sur AlloMusic.com

Chanteur: PZK

Du rock acnéique, de la pop juvénile et de l’électro capricieux… La musique vivrait-elle ses années d’adolescence boiteuse ? Visiblement oui.
Tout commence par l’envie de former un groupe. D’abord parce que « faire de la zic » fait rêver les filles, ensuite parce c’est un formidable moyen d’expression personnelle. Et comme Hugo Jean Louis Baptiste Blondel– ce n’est que le premier – Mendji Tebades,Clément Simpelaere, Florent Pyndhea etAntoine Delbeare ont beaucoup de choses à dire, les cinq amis d’enfance ont décidé de se réunir pour mettre en chansons leurs galères d’ados. Pour crâner un peu tout en jouant les rigolos de service, rien ne vaut une série de surnoms très, comment dire, laconiques –JLB, OLF, KBC Matic – voire élémentaires –Djouzi Djouz, Baobab.
Le groupe se forme en 2006, entre les cours de lycée et les soirées beuveries. Et les filles, et les filles, voilà pour les thématiques. Certes, à 18 ans, Sagan écrivait son premier roman… Mais que voulez-vous, pas facile d’être un jeune de nos jours !
Même si finalement, le petit groupe a su frapper à la bonne porte. Après un buzz via le net avec des vidéos et des mixtapes, les garçons décident de confier leur titre Les filles adorent aux Freaks, les producteurs de Fatal Bazooka. Une bonne prod’ et le tour est joué : le morceau devient un tube de l’été 2009. Dans la foulée, PZK sort son premier album éponyme. L’anecdote ne dit pas si les filles ont succombé au charme des chanteurs. Le boulot, c’est le boulot : un deuxième album est en préparation. N’en déplaise aux Vieux, l’adolescence est une maladie qui passe.

Publié sur AlloMusic.com

Livre: Maria Callas, Lettres d'amour par Renzo Allegri

En réunissant des dizaines de lettres de la Callas, envoyées à son ex-mari Battista Meneghini, le journaliste et écrivain italien Renzo Allegri entend renverser les codes de la biographie traditionnelle. Toutes dépeignent une femme tourmentée, portant les stigmates d'une passion destructrice avec Onassis, le fameux armateur grec. En bon professionnel, – c'est-à-dire preuves à l'appui – le journaliste renverse le propos dès les premières lignes. La chanteuse a connu le bonheur ; à 24 ans, fraîchement débarquée en Italie, elle rencontre l'homme qui lancera sa carrière. Il a 51 ans et pourrait être son père. Il sera "son cher amour", son mari, puis son agent pendant douze ans.
Rares sont les récits qui se concentrent sur les premières années de la diva. Mais Allegri est un privilégié. Après avoir rencontré la Callas il y a quelques années – l'anecdote vient légitimer l'ouvrage – il s'octroie les bons soins de Meneghini. L'homme lui confie son trésor précieusement conservé. Là, bien loin des scandales, la jeune femme se dessine sous la plume des sentiments. En tournée au Brésil, en Argentine ou au Mexique, elle écrit jusqu’à trois lettres par jour, véritables déversoirs d’une âme éprise d’art et d’amour. La clé du bonheur ? Sur ce point, le lecteur reste à convaincre. Car en versant dans le mélodrame, Maria se sent seule, triste et exige une vie à la pointe du perfectionnisme : "Le public m’applaudit mais à l’intérieur de moi je sais que je pourrais avoir fait beaucoup plus !"
Malheureusement, les lettres entièrement retranscrites sont souvent trop longues et répétitives. Elles restent sclérosées sous une cascade de sentiments finalement sans grand intérêt. Résultat : une inextricable envie de lire les textes en diagonale et de se concentrer sur le fil romanesque en incise, porté à bout de bras par un auteur qui, lui aussi, flirte avec la répétition. L’ouvrage aurait gagné à être plus court, plus déterminé, à l’image d’une Callas trépidante. On ne pourra négliger la valeur documentaire du projet. Il ne servira pourtant qu'à redorer le blason d'une légende.

Publié sur allomusic.com

samedi 6 février 2010

Théâtre: Stéphane Guillon, Liberté surveillée

Stéphane Guillon a déboulé sur France Inter comme un chien dans un jeu de quilles. Après la télévision - 20h10 pétantes et Salut les terriens sur Canal+ - le cinéma et des apparitions auprès de Stéphane Bern dans Le fou du roi - France Inter - l'humoriste réunit aujourd'hui près de 2 millions d'auditeurs dans la matinale de Nicolas Demorand. "Viens, tu vas nous faire rigoler!" lui avait-on dit. Alors, pour la rigolade, Guillon s'est mis à labourer le champ politique en généreux détracteur. Depuis, l'humoriste est en liberté surveillée.

Ainsi s'ouvre le spectacle, "pour qu'[on] sache dans quelles conditions [il] travaille". Terminées les parties de cache-cache derrière les micros de Radio-France, la scène est un déversoir où l'humoriste s'explique. On l'y retrouve grinçant, moqueur, vindicatif. "L'humour s'arrête là où la méchanceté commence" avait blâmé Dominique Strauss-Kahn, victime de sarcasmes sur ses frasques sexuelles. Les yeux rieurs, le sourcil levé, le chroniqueur au regard dubitatif s'en amuse: "alors il ne me reste plus rien!".
Guillon est un méchant. Ironique, corrosif, perturbateur, il se compalit à donner raison à ses accusateurs. Avec des reprises telles que sa chronique sur les jeux paralympiques, il remue le couteau dans la plaie. Le propos, alors mal perçu par une série d'auditeurs valides, fait ici l'honneur d'un homme tétraplégique qui, du coin de la salle, crie au bravo. Guillon a l'art de l'humour noir qui fait rire jaune. Politiquement in-correct, il ne veut épargner personne. Il embroche successivement Nicolas Sarkozy, DSK, Hortefeux, l'hypocrisie du riche ou le fatalisme du pauvre. Une palette qui ne saurait déplaire à un public conquis d'avance.
Mais la chronique est un jeu d'esprit hasardeux. Engluée dans la longueur du seul en scène, elle s'alourdit par instant et frôle l'essoufflement. Résultat: un spectacle qui n'est pas à la hauteur des interventions radiophoniques, plus nerveuses, plus enlevées. Reste le plaisir de quelques sketchs insistant sur la mise en scène (merci Muriel Cousin). Dans la peau d'un professeur d'histoire ou d'un gardien de prison, Guillon prend des chemins de traverse. Il contourne le champ politique - sans jamais le quitter des yeux - et bascule dans la critique déguisée, alors un peu plus à même de retenir un public pendant deux heures.

Publié sur CritikArt.net