Humble et intelligente, on ne pouvait attendre davantage de la première biographie de Jean Ferrat. Dans cet ouvrage inédit, Jean-Dominique Brierre fait résonner la force d'un nom choisi pour loger en grosse lettre sur les affiches.
Difficile d'écrire sur un homme mystérieux. Des idées de fer nourries par un douloureux passé, des paroles fortes qu'il mettra tant de temps à coucher sur le papier, Jean Ferrat emporte avec lui ses secrets les plus intimes. Il reste alors les témoignages de ses proches collaborateurs : Pierre Frachet, Michelle Senlis ou Claude Vinci. Précieux et nécessaires, mais toujours un peu timides.
L'anecdote est rare, l'atmosphère imperceptible. Point de romanesque ou si peu. Par respect ou manque d'informations, les premières pages sur l'enfance du chanteur restent elliptiques. Ainsi l'aurait-il voulu. Alors, vaille que vaille, Jean-Dominique Brierredécide de comprendre Ferrat en le replaçant dans son Histoire (la rafle du Vel' d'Hiv', Staline et Charles de Gaulle). Des données factuelles voire intellectuelles qui, au risque de rendre le texte impersonnel, nous rappelle la force des idéaux de l'artiste.
De la déportation d'un père au soutien au Parti Communiste Français, Ferrat est un écorché vif. Ses chansons sont un exutoire ; de galères en censures, elles finiront par connaître ce succès tant mérité. C'est donc en détaillant la naissance de Ma Môme,Nuit et Brouillard, Potemkine ou encore l'adaptation des poèmes d'Aragon que le biographe tire lentement les ficelles d'une vie. Aidé par son âme de spécialiste, il se livre à d'importantes digressions sur le contexte culturel et médiatique dont Ferrat sera souvent victime et contre lequel il luttera, en fervent défenseur de son métier. Avec en creux une idée : l’artiste ne se raconte pas, il se laisse deviner. Chaque explication est une clé offerte au lecteur pour comprendre les stigmates d'une vie où la politique le dispute à la poésie, et l'engagement à l'amour.
La maladie qui emporta Jean Ferrat est tenue sous silence. Point trop n'en faut : "Je m'en vais comme je suis venu, un peu plus calme un peu moins nu" (Je Meurs), a-t-il chanté en 1975.
Publié sur AlloMusic.com