mardi 21 avril 2009

Expo: Le grand monde d'Andy Warhol

Le commissaire de l'exposition, Alain Cueff, voulait explorer la part incontournable du travail warholien : le portrait. L'idée était excellente. Encore fallait-il le faire, explorer. Car il faut bien constater que l'exposition n'est qu'une succession de 250 portraits classés par thèmes (les stars de cinéma, de la mode, de la politique, du monde de l'art...) Et rien qui ne définisse une véritable approche artistique ni qui n'aborde en profondeur ce personnage moins révolutionnaire que visionnaire.

Entre son autoportrait effectué à 20 ans et son obsession de la mort à la fin de sa vie - " The Big Electric chair ", symbole moderne de la crucifixion - Andy a multiplié les commandes. A l'origine de ce succès, le célébrissime tableau de Marilyn Monroe, évidemment présent. Warhol devient le " pape du pop ", une technique qui séduit les célébrités. Une flatterie avant tout : maquillage à outrance, suppression des défauts, le peintre revendique sa " philosophie de la retouche ", pour satisfaire une époque lancée à la recherche d'une beauté artificielle et sophistiquée.

Très vite, l'exposition devient répétitive, sans guide, et avec pour seul élément de compréhension des légendes minimalistes. Si bien que les tableaux défilent sous nos yeux jusqu'à l'écoeurement.

Seul moyen de lutter contre la lassitude : observer son rapport à la technique et son exploitation du portrait. Warhol utilise la photo comme base de son travail - photomaton et polaroïd - avant d'explorer la potentialité plastique du cinéma, une manière d'approcher la vie au plus près - série " Screen tests ". Enfin, la découverte d'un petit appareil photo, le Minox 35 EI, le conduit à effectuer des portraits plus spontanés, véritable projecteur de la vie mondaine des années 80. Mais il faudra tirer soi-même les conclusions. L'importance historique et sociologique de son travail n'est pas valorisée, ni -et c'est le plus grave- le regard cynique et désabusé que l'artiste portait sur son époque. Le Grand Palais réduit l'artiste à l'image, si galvaudée et superficielle, d'un artiste mondain. Trop facile. Du pur cliché.

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samedi 18 avril 2009

Ciné: Dans la brume électrique de Bertrand Tavernier

Après l'Afrique (Coup de torchon), l'Asie (Holy Lola), Bertrand Tavernier traverse l'Atlantique et signe Dans la brume électrique, adaptation du roman de James Lee Burke. Une production hollywoodienne et Tommy Lee Jones en tête d'affiche : le grand nom du cinéma français a de quoi faire parler de lui. Un projet de coeur pour ce passionné de culture américaine.

L'histoire nous transporte aussitôt dans les grands thèmes du cinéma américain. C'est d'abord le souvenir de "No country for old men" qui vient à l'esprit, à la vue de Tommy Lee Jones, toujours porteur de son étoile de chérif. Ici, il mène de front deux enquêtes sans lien apparent : le meurtre d'une jeune prostituée et la découverte du cadavre d'un homme noir dans les marécages. Deux tableaux pour deux mondes et deux époques qui se croisent : la Louisiane d'aujourd'hui, minée par la mafia crapuleuse, et celle d'hier, tourmentée par le souvenir de la Grande Histoire et du racisme.Le liant, c'est l'atmosphère, brumeuse, putride et menaçante.

Mais très vite, l'intrigue est reléguée au second plan. Tavernier prend à bras le corps cette Louisiane de l'après Katrina pour en explorer l'ambiance fétide. Au coeur des marécages brumeux, les cadavres nauséabonds côtoient les apparitions fantomatiques d'un officier confédéré. Entre réalisme et hallucination, Tavernier filme la Louisiane dans sa profondeur, dans ses douleurs... Terriblement américain.

"Dans la brume électrique" est un film lent, soigné. Un polar qui ne fait pas frémir par son intrigue, sans grande originalité, mais par l'atmosphère qui l'envahit. Pesante, tourmentante, elle embrume l'esprit du personnage central, incarné avec une sombre intensité par Tomy Lee Jones. Le temps se dilate, mais finalement, les réponses émergeront en même temps que les souvenirs, tandis que la brume se lèvera, électrique.

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