mardi 24 février 2009

Livre: De Niro’s game, Rawi Hage

Liban, début des années 1980. Le titre plante le décor. Dans un Beyrouth anéanti par la guerre civile, Bassam et Georges, alias De Niro, vivent de petits trafics, de vitesse et d’alcool. Pour survivre il faut être un caïd et surtout savoir jouer. Jouer avec la vie.

Dans un monde où l’horreur côtoie la démence, les deux amis se réfugient dans l’absurdité de la vie quotidienne : Bassam fuit le foyer mortifère en gagnant sa vie au port pendant que Georges travaille pour dans un casino de la milice chrétienne. Les jours se suivent au rythme des fracas, des enterrements et des pleurs. Dans un nuage de sang et de poussière, Bassam et Georges aspirent à des jours meilleurs. La solution apparaît comme un ultime salut : détourner les recettes du casino. Avec l’argent, tout est possible. Mais à quel prix ? Subir ou se battre, il faut choisir. Bassam rêve de partir. Georges flirte avec la milice. Quand la cocaïne et les meurtres s’invitent à la fête, il faut s’attendre au pire…

Rawi Hage nous fait pénétrer dans le terrible destin de deux adolescents consumés par l’urgence de vivre. L’écriture scandée et haletante cueille cette nervosité ambiante. Naissent alors des silences hébergeant toute la violence du texte. L’imagination devient le seul refuge possible. Que les rêves parlent d’exil ou de prendre les armes, sortir de la tragédie est une nécessité.

Mais au delà de la guerre, De Niro’s Game est un roman sur l’amitié. Deux amis, deux voyous, deux frères. Et une question pour toile de fond : que devient la plus précieuse des amitiés en temps de guerre ? Bassam assiste, impuissant, à la déchéance de son ami. Jusqu’à ce qu’il découvre l’autre facette de Georges, celui qu’on appelle De Niro. Une amitié noire, scellée par la découverte d’un secret.
Peu à peu, l’énergie du texte s’élime en vide et désolation. Dommage que le récit se fasse plus flottant dans la seconde partie. Mordant en son début, il est presque décevant. Trop enlevé. Souvent prévisible.

Au final, l’auteur nous plonge sans concession au cœur d’un drame collectif. Deuil, affrontement, abandon, mais aussi l’espoir des âmes brisées. Rawi Hage nous livre la guerre dans ses moindres détails. Pas de pathos ni de propos moralisateurs, il sait raconter la guerre mieux que quiconque. Et pour cause, la guerre civile est bien plus qu’un récit pour ce libanais, originaire de Beyrouth. C’est une blessure personnelle que les mots viennent panser.

De Niro's game de Rawi Hage, ed. Denoël, paru le 4 septembre 2008

1 commentaire:

Jy a dit…

Bien écrit.
Le blog est bien aussi de cette façon...
Je te lis, encore, toujours...