mardi 16 février 2010

Musicien: Jean Corti

Ringard, désuet et tombé en décrépitude, l’accordéon en prend pour son grade au tribunal des instruments du XXIème siècle. De toute évidence, l’élément fétiche des guinguettes, musettes et autres "fêtes" ne fait plus rêver. A moins de se laisser conter une petite histoire.
Il était une fois un accordéon, propriété d’un voisin italien. « Tu le veux ? » s’amuse l’homme en le posant sur les genoux du jeune garçon qui le regarde inlassablement. Sans demander son reste, ce dernier s’enfuit. Un voleur d’accordéon ! Qu’à cela ne tienne, de retour chez lui, l’enfant commence à jouer. Comme ça, à l’oreille. Et c’est le coup de foudre.
Pendant 20 ans, Jean et son accordéon feront danser les villages à l’heure de l’apéro, les cabarets marseillais puis les dancings de la capitale. En 1960, Brel est séduit par ce musicien qui trimbale son instrument comme un morceau de vie. Ensemble et pendant six ans, ils composent Les bourgeois, Les Vieux,Titine ou encore Madeleine. Des succès nés d’une symbiose entre musicien et chanteur. Une relation musicale et amicale qui se termine quelques mois avant l’arrêt définitif de Brel, laissant Jean Corti face à son destin.
Car l’aventure Brel a fait des envieux. Successivement, l’artiste accompagne Brassens, Jo Privat, Armand Lassagne, Brabara, Michel Petrucciani, Alain Bashung ou Rita Mitsouko. Toujours caché derrière son instrument, Corti attise la curiosité des journalistes. Un jour, l’un d’entre eux l’invite à faire la première partie du concert des Têtes Raides. Séduit par l'univers de l’artiste, Christian Olivier lui propose une improvisation. Pourquoi pas. Ce groupe de rock indépendant bien rigolo est un coup de jeune pour l’accordéoniste. De leur côté, les chanteurs conquis par l’instrument décident d’en faire leur base rythmique. Et ça marche du feu de Dieu.
L’accordéon se fait dévoué, complice, sympathique. Son artisan toujours modeste. Et puis, sous la pression des Têtes Raides, Jean Corti se décide à sortir de l’ombre. En 2001, Couka, paru chez Mon slip, le joli petit label du groupe, est vendu à 20 000 exemplaires. Du jamais vu en matière d’accordéon. Dans Versatile son deuxième opus – 2007 – le musicien s’entoure des grands noms du jazz – Jean-Philippe Viret, Jean-Marie Ecay et Philippe Delestre – pour revisiter les plus beaux textes de sa génération avec au chant, les voix de Christian Olivier, Olivia Ruiz, Marc Perrone ou Félix Belleau.
Histoires d’amour avec son instrument et d’amitié avec les interprètes, Jean Corti confère à la musique une charge affective. "Fiorina", son dernier album le prouve, une œuvre hommage à tout un passé musical qui a parcouru les arts et les vies. Le passé d’un homme qui a grandi et vieilli un accordéon contre son cœur.

Publié sur AlloMusic.com

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