mardi 2 décembre 2008

Livre: Dans la tête de Shéhérazade, Stéphanie Janicot

On ne compte plus les romans qui s'appuient sur un travail psychanalytique, d'observation et de connaissance de soi. Stéphanie Janicot n'échappe pas à cette tendance et se risque au thème largement rebattu de l'enfance, socle de notre personnalité, de nos forces et de nos faiblesses d'adulte. Impression de déjà vu, donc, à la lecture de la quatrième de couverture. Même si, dès les premières pages - le titre nous avait prévenus - on est transporté dans la " tête ", les secrets et la quête identitaire d'un personnage plutôt attachant.

Shéhérazade est une célèbre journaliste présentatrice d'un talk show, qui partage son énergie entre son travail et sa relation avec son rédacteur en chef. Par un douloureux retour sur l'année de ces quinze ans, la jeune femme va révéler les épreuves difficiles qui ont construits sa vie : le sentiment d'exclusion dans un grand lycée parisien, la place de l'amitié, la perte d'un être cher, les souffrances des immigrés. Autant d'évènements qui permettront sa construction personnelle et feront toute sa force. Dans un va-et-vient constant entre le passé et le présent, Shéhérazade nous fait entrer dans son histoire pour en cerner les failles. L'essentiel du talent de l'auteur est là : dans ce remarquable jeu sur la temporalité, où deux strates temporelles s'imbriquent, elle parvient à nous tenir en haleine.

Mais "Dans la tête de Shéhérazade" a surtout pour vocation de révéler quelques uns des travers de notre société, notamment sur la question de la tolérance et de l'identité. Stéphanie Janicot, de toute évidence, tend avant tout à offrir un véritable cryptogramme de l'enfance d'une enfant arabe, projetée dans une classe sociale qui la renvoie sans cesse à ses origines.

Mais si le thème est d'actualité et si l'histoire est admirablement bien ficelée, le style manque de chair et de chaleur. Dépourvue de sentiment, la langue reste glaciale, l'approche du monde intérieur et des souvenirs trop analytique. A croire qu'il s'agit de la seule mise à distance possible avec soi-même. Cette froideur déstabilisante est évidemment justifiable par la rigueur du travail d'introspection auquel s'adonne le personnage. Mais est-ce une raison suffisante?

On peut aussi regretter que le thème du sentiment d'exclusion soit exprimé à longueur de roman et toujours de la même manière. Cette redondance confine à la lassitude et confère au récit une lecture à tout prix psychologisante, voire moralisante. C'est dommage, même si ces défauts n'empêchent pas d'être happé par la solide trame romanesque. Au final, "Dans la tête de Shéhérazade" est comme un mauvais élève dans cette rentrée littéraire: on en reconnaît la qualité intrinsèque, en dépit de ses imperfections.

Dans la tête de Shéhérazade, Stéphanie Janicot - éd Albin Michel - paru le 20/08/08

1 commentaire:

Unknown a dit…

Genial Blog !!!
Trés intelligent ...intellectuel...
A bientôt !
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