vendredi 23 janvier 2009

Expo: Guy Tillim - "Jo'burg", "Avenue Patrice Lumumba"

Né à Johannesburg en 1962, Guy Tillim a grandi dans les quartiers blancs de la ville sud africaine. C’est dans les années 80 qu’il devient photographe, puis son travail se démarquera peu à peu d’une vision classique, ou conformiste du photojournalisme. Des papiers glacés de la presse internationale, ses photos gagneront les murs des galeries d’art. Pour la première fois en France, une exposition personnelle lui est consacrée.

Au départ, la photographie ne l’intéressait pas. Il s’empare de l’objectif pendant les premières barricades de la lutte contre l’apartheid. Son but : comprendre. « L’appareil photo était l’outil idéal pour transcender les frontières, pour voir ce qui se passait dans mon propre pays ». Très vite, il intègre le collectif de photographes engagés Afrapix .
Pour Tillim, le photojournalisme est un moyen de dépasser les préjugés raciaux instaurés par l’apartheid. Des images troublantes, superbes, justes. Au croisement du reportage et de la photo purement plasticienne. Son anticonformisme séduit. Son esthétique le distingue. Une ambiguïté manifeste que l’on retrouve dans les deux séries exposées à la Fondation Henri Cartier Bresson.

La série, « Jo’Burg » date de 2004. Le photographe pénètre les tours du centre de Johannesburg délaissées par la communauté blanche à la fin de l’apartheid.
Dans ces constructions insalubres et dévastées, il photographie la force de la vie, refaite comme il se doit.

On y vit entassé, dans le délabrement le plus total. Mais on y vit. Le photographe pénètre l’intimité des habitants pour en extraire des bribes du quotidien : une femme serrant son enfant, une cuisine de fortune presque trop bien rangée, une silhouette dans l’obscurité d’un couloir. Pour Tillim, il ne s’agit pas de montrer la misère d’un peuple victime de l’exclusion et de la guerre.

A première vue, les clichés ressemblent à des photos volées. Pourtant, quiconque ne rentre pas dans ces quartiers de Johannesburg. Pendant 5 mois, Guy a vécu au sein de cette nouvelle communauté du centre ville. Loin de la pitié et de la compassion, il a un regard tendre. Ses photos sont sourdes. Douces. Sur fond de misère, il fait ressortir la paix intérieure des habitants : une image christique vient illuminer le mur d’une chambre ou d’un salon de coiffure. Dans une atmosphère grisâtre, imbibée par des façades décaties, un jeu de lumière apparaît comme une lueur d’espoir.
Ainsi, Guy Tillim use de son appareil photo comme d’un catalyseur. Il en a découvert les vertus avec le temps : « la photo offre la possibilité de changer le regard"

Le regard. Tout est là. La photographie resserre le cadre, réduit le champ visuel. Comme dans « Avenue Patrice Lumumba », lorsqu’il s’attache à l’architecture pour parler des faits sociaux.

La seconde série “Avenue Patrice Lumumbaest une errance à travers plusieurs pays : le Congo, le Mozambique, Madagascar, l’Angola… Dans un seul but : chercher à s’emparer de ce que les paysages recèlent, cette « identité indéniablement africaine ». Une rue déserte, des bureaux administratifs vacants, des statues mutilées.

Les clichés outrepassent la démarche purement documentaire. Tillim construit son errance autour d’une quête identitaire personnelle. Cet enfant du continent entend avant tout se saisir dans l’absurdité d’un paradoxe : le vide politique après la victoire. « La terre où je suis née m’est devenue étrangère à mesure que je la découvrais. Le désir de photographier cette scène est moins lié à la volonté d’en poser le décor que de m’y situer moi-même. »
Du 13 janvier au 19 avril 2009, à la Fondation Henri Cartier-Bresson.
Publié sur photojournalisme.fr: http://www.photojournalisme.fr/?p=267

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