lundi 12 octobre 2009

Edition spéciale Prix des correspondants de guerre, Bayeux

Patrick Baz rencontre les Classes Prix Bayeux-Calvados

Patrick Baz est né au Liban, un pays où les enfants collectionnent les douilles de balles. Il se souvient et s’en amuse aujourd’hui : « j’ai choisi la caméra plutôt que la kalashnikov ». Une phrase forte qui en dit long sur la place du photojournalisme dans les pays arabes. Ainsi s’ouvre le débat.
Mieux que quiconque, il parle d’un pays. Et d’un métier : « les jeunes arabes ne sont pas confrontés à ce que vous voyez tous les jours. Il n’y a pas de culture de l’image comme celle que vous pouvez avoir. Le graphisme et les écritures sont leurs seules références. Pour eux, le photojournalisme est un balbutiement.»« En 1989, il n’y avait aucun photojournaliste palestinien.» Le reporter s’est alors donné pour tâche de former quelques hommes au métier. Mais aujourd’hui, il constate le décalage entre les photojournalismes : « les reporters arabes ne se départissent pas d’un certain militantisme. Ils sont spécialisés dans les conflits et ne savent pas raconter une autre histoire que la guerre. Leurs images sont très violentes et ils ne comprennent pas que pour toucher l’Occident, il faut montrer autre chose. »

La force de l’éthique
Précisément, les élèves sont très sensibles à la violence des images de guerre. A la vue du diaporama de Patrick Baz, les visages se crispent et réagissent. Autocensure, respect d’autrui, les jeunes occidentaux brandissent des questions d’éthique. Patrick Baz explique : « Avec l’expérience, vous vous interdisez certains cadrages. Il n’y a pas d’autocensure dans le sens où je montre toujours les choses, mais différemment. Par ailleurs avec l’âge, vous n’avez plus rien à prouver à vous-même. Moi ça me gêne de travailler avec des personnes qui n’ont pas le respect des sujets. Notamment pour les enterrements. Quand on est dix photographes sur l’évènement, on veut toujours prendre une meilleure photo que celle du voisin. Moi, j’ai le sentiment de violer l’intimité de la famille. Dans ces circonstances, une seule photo suffit. »

Photographier la peur au ventre
Le métier de correspondant de guerre impressionne les jeunes adultes. Il faut être courageux, fonceur et téméraire. Prendre des risques en affrontant son pire ennemi, la peur. Comment fait-on ? Entre amour et haine, Patrick en a fait son fidèle compagnon. La peur le ronge avant de partir, le charge d’adrénaline une fois sur place et devient traumatique quand tout est fini. « On ne peut pas ne pas avoir peur. Je suis très effrayé par la foule. Un jour, je me suis fait lyncher. La foule est incontrôlable. » Photographier la peur au ventre, parce que la mort attend à chaque coin de rue. Sur ce point, Patrick reste mesuré : « Moi j’aime la vie et je pense qu’il y a des limites à ce qu’on peut faire. Aucune photo ne vaut une vie. » Pourtant, le reporter n’a jamais voulu arrêter : « c’est l’un des rares métiers au monde que l’on ne peut pas faire si on ne l’aime pas. Rien ne vous oblige à partir là-bas. »

Un métier égoïste
Rien n’oblige un correspondant de guerre à partir mais rien ne le retient. Patrick Baz l’avoue, c’est un métier égoïste. Alors que les jeunes s’inquiète d’une vie de famille, le reporter insiste : « Vous ne pensez qu’à vous, qu’à faire des photos. » Une passion donc, qui se vit envers et contre tout. Surtout pour elle-même. Y a-t-il une logique économique derrière une telle prise de risque ? s’interroge le public. Patrick se fait déconcertant : « au début des années 80, j’étais payé 300 dollars par jour pour une commande. Aujourd’hui c’est différent, la presse ne paye plus. Je suis salarié chez AFP et touche donc la même chose, que je fasse des photos de mode ou sur une zone de conflit. Quoi qu’il en soit, si tu veux gagner de l’argent en faisant de la photo, alors ne fait pas photojournaliste.» No comment.

Photos: Valerio Vincenzo

Publié sur l'Edition spéciale de photojournalisme.fr

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