lundi 12 octobre 2009

Edition spéciale Prix des correspondants de guerre, Bayeux

Patrick Chauvel à coeur ouvert

L’homme n’est ni grand ni fort, pourtant il impressionne. Son regard dur concentre toute l’horreur du monde : Patrick Chauvel a des choses à raconter, même si généralement, il préfère se taire. Et agir. On attendait un visage crispé et imperturbable, celui des interviews et des éprouvantes questions-réponses. Non, ce matin-là, Patrick s’adresse à des jeunes et ça change tout. Pas d’objectif braqué sur lui, le photographe se décontracte. Et raconte sa vie de reporter, à coeur ouvert.

Chauvel est un livre aux mille histoires. La peur, la misère, l’adrénaline, la mort, les mots s’accompagnent toujours d’un souvenir en Tchétchénie, en Afghanistan ou ailleurs. Et pour être plus percutant, il n’hésite pas à y mêler une pointe d’humour : « Quand on part pour une zone de conflit, et qu’il n’y a personne dans l’avion c’est bon signe : ça veut dire que c’est vraiment la merde ! ». Humour noir bien sûr, les lycéens ne s’y trompent pas. Comme dans les vieux contes de l’oncle Tom, le récit n’est jamais gratuit.

D’ailleurs, au fil des minutes, Chauvel ne mâche plus ses mots. Les anecdotes entrainent des critiques contre l’ONU, observatrice et inutile, ou encore la guerre en Afghanistan : « les soldats se battent pour de mauvaises causes. Personne ne va gagner. Ces gens sont chez eux et ils se fichent de la démocratie. Ils ne savent même pas ce que c’est ni comment ça s’écrit. Même New-York et les tours ils ne connaissent pas ! Ce n’est pas leur faute tout ça ! »Des guerres qui ne tiennent pas la route, là est le constat d’un homme qui parle pour le peuple. Et pour une profession, au pouvoir immense et effrayant : « D’après vous, qu’est ce que craignent les Etats-Unis et les israéliens quand ils bloquent les frontières ? Ils craignent la petite fille qui court sous les bombes au Napalm ! »
Clairement, le rapport entre photojournalisme et gouvernement soulève la polémique. Sans tarder, un lycéen s’interroge : « avez-vous déjà travaillé avec les services secrets ? » Patrick est affirmatif : « Sur place jamais, ce serait se tirer une balle dans le pied. J’ai déjà été contacté par les services israéliens mais j’ai refusé. Sinon, c’est un engrenage. Et puis si on bidonne, on met en danger toute la profession. Le métier doit garder sa crédibilité : on n’est pas là pour changer la donne mais pour raconter ce qu’il se passe. » Avant de nuancer : « En revanche, j’avoue avoir déjà travaillé avec les services secrets pour des sujets précis, comme une libération. Mais jamais pour un acte militaire. »

Refus de la compromission, prise de risque et peur au ventre, le métier de correspondants de guerre a de quoi marquer un homme. Traumatisé ? Chauvel contourne la question : « Et pourquoi croyez-vous que j’ai acheté ces bottes ? » Il porte ses santiags comme une carapace. « Bien sûr il faut une période de transition. Mais si on croit à ce qu’on fait, il n’y a pas de place pour le traumatisme. L’essentiel est qu’il faut que le travail soit reconnu ». Du Chauvel tout craché, blindé et convainquant. Même si son « Moi ça va ! », peut-être un peu trop sûr, porte les stigmates d’une vie de rapporteur de guerre.
Photo: Valerio Vincenzo
Publié sur l'Edition spéciale de photojournalisme.fr

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