Pendant les deux heures de déambulation qui leur étaient accordées, nous avons suivi les élèves du Collège Jean Moulin d’Arles sur Tech lors de leur première rencontre avec le photojournalisme. Réactions sur le vif…
Quand on a 15 ans et qu’on vient voir des images, lire le projet du photographe ou même les légendes est une futilité. Du moins au début. Car les élèves mesurent rapidement les risques d’une mauvaise interprétation. Comprendre la démarche du photographe est essentiel pour ne pas dire indispensable. Même si finalement, le choix de l’exposition ne relève que de la sensibilité de chacun.
Sans se faire attendre, Eugene Richards suscite des réactions épidermiques. « Ce qui est incroyable dans ces photos, c’est qu’on puisse mourir ou vivre avec une moitié de crâne. Tout ça juste pour sa patrie ». Delphine et Anaïs sont troublées par le sens profond des images et par l’horreur des hommes qui ont fait le sacrifice d’une vie. Ici, l’émotion est à son apogée. Quelques couloirs plus loin, Tristan et Clément sont beaucoup plus terre à terre. Ils se concentrent sur l’exposition hommage à Françoise Demulder et son aspect documentaire. « La photographe a une renommée et ça me touche qu’elle soit morte. Là, il y a des photos de guerre et pour moi, la guerre c’est l’Histoire. »
Mais, si la guerre est incontestablement historique, deux autres camarades préfèrent l’humour de Drachev aux lignes de front. « On ne voulait pas voir la guerre. Quand la prof nous a dit qu’il y avait un sujet sur l’humour, on a voulu le prendre. Même si parfois, il y a des photos où on ne comprend pas pourquoi c’est drôle… »Bien souvent, le sens des images échappe à ces jeunes visiteurs. Au détour d’une exposition, une conversation résonne. Deux élèves sont prostrées devant une image de Brenda Ann Kenneally. Sur la photo, une jeune femme vient d’accoucher. « Elle est heureuse ou pas ? / Comment tu le vois ? / Bah sur la photo, elle ne sourit pas. / C’est pas parce qu’elle sourit pas qu’elle n’est pas heureuse. / Oui, mais la légende nous dit pas si elle est heureuse ou pas, alors… »Alors… Les jeunes ont tendance à préférer des images construites, peu déstabilisantes. Chez Brenda Ann Kenneally, une élève s’interroge devant la photo d’une fillette dormant avec un journal sur la tête : « Elle a posé pour la photo ? Ca me dérangerait pas qu’elle ait posé. Moi je préfère une photo construite et jolie qu’une photo où c’est flou, où on ne comprend pas trop ce qu’il se passe. »
Entre raison et émotions, les élèves s’approprient lentement le média photojournalistique. Comme chaque année pour Mme Paingault et son collègue, la journée à Visa est forte en émotions. Le travail peut alors commencer. Cette première approche est un éveil à la sensibilité et à la subjectivité, même si, pour notre plus grand plaisir, certaines opinions sont déjà bien assumées : « Obama, C’est bon ! Il est riche, il est heureux… Moi je préfère voir autre chose ! »
photos: Julien Cassagne avec iphone
Publié sur l'Edition spéciale Visa pour l'image de Photojournalisme.fr
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